[APP] une autre monnaie est possible : une BD augmentée

Le 11 février 2011

L'argent ne fait pas le bonheur... sauf si on le fabrique soi-même! Avec notre BD augmentée, apprenez les principes de la création monétaire et découvrez comment élaborer des monnaies libres auxquelles donner du sens.

Philippe Derudder fait partie de ceux qui voient en l’alternative économique une chance à saisir. Ancien entrepreneur qui a tout plaqué en 1992 pour ne plus cautionner un système monétaire qui ne lui convenait pas, il cherche alors des solutions pour concilier monnaie et équilibre écologique. Maintenant animateur au sein d’une association, l’Association Internationale pour le Soutien aux Economies Sociétales ou AISES, il milite pour la création de monnaies complémentaires et offre ses conseils auprès de communautés ou de villages souhaitant franchir le pas. Accompagnant  ces communautés, il a notamment participé à la création de l’Abeille à Villeneuve-sur-lot, la Luciole en Ardèche et une troisième devise, à Roman.

Quel est votre rôle dans les étapes de la mise en place d’une monnaie complémentaire?

Philippe Derudder: J’accompagne les gens surtout sur la compréhension au départ du système de la monnaie: comment peuvent-ils s’organiser pour lancer une monnaie locale, c’est la question ou la thématique centrale de mes interventions. Je l’occupe de la sensibilisation à la création et j’insiste particulièrement sur la nécessité d’utiliser cette monnaie comme une liaison, pour fabriquer du lien. Pour moi, l’argent alternatif n’est pas qu’un simple outil d’échange, c’est surtout un outil pour faire changer les consciences. En fait je lance les gens et les guide.

Pouvez vous nous expliquer par quelles étapes est passée la création de l’Abeille à laquelle vous avez participé?

Pour l’Abeille, une amie connaissait mon travail, mais l’idée de monnaie complémentaire n’était pas présente à l’origine. Un des membres d’Agir pour le Vivant avait proposé de réfléchir à l’aspect économique et Françoise Lenoble m’a donc fait venir pour apporter un éclairage sur la création monétaire. Une première rencontre a eu lieu, puis un atelier de deux jours pendant lequel nous avons abordé ensemble plusieurs thèmes mais plus particulièrement celui du piège que recèle l’économie. Nous avons donc réfléchi sur la notion même de monnaie en amont de la discussion sur le création d’un autre système monétaire. Je considère en effet qu’il y a nécessité d’utiliser l’outil pour transformer les consciences: ce n’est pas seulement un outil économique mais aussi un outil social.

Nous avons eu besoin d’environ deux ans pour la créer: au départ, les gens étaient intéressés mais ne savaient pas par quel bout commencer, c’est aussi pourquoi j’ai eu l’idée d’écrire ce guide de la monnaie complémentaire. Et une fois le guide écrit, Françoise l’a fait circuler à l’automne 2008.
Nous avons ensuite entamé une phase artisanale pendant laquelle nous imprimions les billets sur des bouts de carton! Entre le printemps 2009 et janvier 2010, nous avons donc lancé cette phase expérimentale et l’opération a vraiment commencé en mars 2010, date du lancement officiel.
A présent, les réunions ont lieu tous les deux mois environ et servent à créer des outils de soutien, aidant à repenser le métier, donc une sensibilisation et une inspiration.
Dans le cas général, il y a des questions à se poser avant la mise en place de la monnaie, par exemple à propos de la fonte. Ensuite il faut compter entre 6 mois et un an pour créer (entre la décision et création).

En pratique, vous pouvez nous expliquer le fonctionnement de cette monnaie?

Entre 35-45 professionnels l’utilisent, mais les métiers sont très diversifiés, ce qui garantit une meilleure circulation: on compte des coiffeurs, des thérapeutes, une coopérative bio et beaucoup d’autres. Au total, il y a une centaine d’adhérents à l’association et 4000 unités monétaires en circulation (avec une création totale d’environ 7000 unités monétaire en abeille, l’équivalent de 7000 euros).

En ce qui concerne l’impression des billets: ils ont cherché un imprimeur qui a introduit des éléments de lutte contre la contrefaçon, il est donc impossible de faire des photocopies. Mais c’est assez rare de penser que des blanchisseurs iraient jusqu’à essayer de contourner un tel système pour pouvoir profiter de produits issus de l’agriculture biologique, d’un coiffeur… Ce n’est pas vraiment l’optique de notre projet. Les billets sont prévus pour une durée de vie de 2 ans. Et ce sont 4 cases sur lesquelles on colle les timbres qui donnent puis restaurent sa valeur au billet, acheté par le porteur. Il y a aussi un fond de garantie. Pour 100 euros, il y a 105 Abeilles. Et c’est la NEF qui finance indirectement les projets collectifs.
Lorsque des commerçants veulent échanger vers l’euro, ils payent une contribution. C’est une sorte d’engagement sociétal: 5% de prime à l’achat correspondent à 5 % de contribution à la reconversion, soit une couverture totale de la monnaie locale en circulation.

Existe-il une notion d’héritage ou d’épargne? Une transmission des richesses d’une génération sur l’autre?

La finalité de cette monnaie n’est pas d’être thésaurisée donc ce n’est pas de constituer une épargne transmissible, c’est la fonte qui insiste là-dessus. A la mort de quelqu’un, ça passe dans le porte-feuille de qui voudrait les prendre. Quant aux excédents de caisse, le système est encore trop jeune pour qu’il puisse générer des fonds pour financer ou co-financer des projets locaux. La NEF soutient les projets en même temps qu’elle augmente ses ressources.

Making Off de la Bande Dessinée :

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Illustration Flickr CC Computerhotline

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