Augmentons nos démocraties de quelques lignes de code

Le 4 décembre 2010

Nous ne vivons pas seulement une crise mais une opportunité sans précédent, celle d'augmenter nos démocraties des valeurs et outils issus des réseaux technologiques. En toute logique, l'information est la première touchée. Retour sur "le cas Wikileaks".

Permettez-moi de douter, peut-être, de l’impact des révélations de WikiLeaks sur la diplomatie internationale ou l’art de la guerre, mais en rien des conséquences pour l’écosystème de l’information et l’économie des médias.

Olivier Tesquet compare l’impact de WikiLeaks pour la presse à celui qu’a eu Napster pour l’industrie de la musique . “Après, rien ne fut plus pareil” caricature, mais sans réellement s’y tromper, son fondateur dans The Social Network. Nous qui défendons l’idée d’un journalisme augmenté du travail en réseau et de l’apport des technologies, notamment pour l’investigation et l’analyse de documents, n’allons pas nous en plaindre.

Ce n’est pas une démarche de transparence qu’initie Julian Assange et ses proches mais un chemin vers plus de profondeur et de granularité, vers une information démontrée, davantage étayée, vers un journalisme d’expertise et de médiation.


Il faudra sans doute bien du temps et du recul pour saisir comment et pourquoi les instances internationales et les penseurs et diplomates, (dont certains nous avaient habitué à plus de clairvoyance), claironnent depuis bientôt une semaine que la démarche de Wikileaks serait pétrie d’anarchisme, quand elle tend à renforcer par la correction le modèle capitaliste. On parle même de totalitarisme, alors qu’à chaque instant l’organisation démontre sa volonté d’associer le plus grand nombre, professionnels comme citoyens, à son travail de libération des faits.

Car Wikileaks n’est pas plus l’incarnation d’un projet politique (c’est tout au contraire une promesse de réalisme) que le rêve d’opendata et de libération de “données” de geeks ayant pour religion l’open source et pour écriture sacrée la ligne de code. Assange, avec qui Nicolas Kayser-Bril et Pierre Romera ont passé du temps, n’est ni un fou ni un prophète : c’est un risque-tout effectivement visionnaire mais bien plus raisonné et raisonnable que la quasi-totalité de nos confrères a bien voulu le dire.

Dans ce moment d’emballement de l’agenda médiatique et de poussées contre-réactionnaires où les démocraties appellent à la censure (la France en tête !) il n’est qu’une chose qui tiennent de l’urgence : se poser, se taire peut-être. Et réfléchir ensemble à ce qui se joue réellement devant nos yeux. Et cela fait sens :

Nous ne vivons pas seulement une crise mais une opportunité sans précédent, celle d’augmenter nos démocraties des valeurs et outils apportées par l’ère des réseaux technologiques. En toute logique, l’information est la première touchée.

C’est toute une tectonique des plaques qui se met en mouvement. En impactant durablement l’écosystème médiatique et la circulation de l’information, WikiLeaks pourrait bien enrichir nos démocraties, par rebond, de quelques lignes de codes. Il serait temps.

> Image de clef (Marianne) retouchée d’après CC Alain Bachelier / StateLogs by Loguy.

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