OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 MegaUpload MegaPerdus http://owni.fr/2012/02/03/megaupload-megaesseules-megaperdus/ http://owni.fr/2012/02/03/megaupload-megaesseules-megaperdus/#comments Fri, 03 Feb 2012 12:15:36 +0000 Benoit Le Corre http://owni.fr/?p=96923

Pour la justice américaine, tous les fichiers contenus sur MegaUpload devaient être supprimés ce 2 février. Les enquêteurs ayant copié les documents nécessaires à la procédure, “les sociétés d’hébergement [peuvent] commencer à supprimer le contenu présent sur les serveurs. Cependant, des centaines d’utilisateurs avaient également stocké sur la plate-forme des fichiers légaux. L’avocat de la défense, Ira Rothken, a aussi demandé un report de la date de suppression. Et grappillé deux semaines supplémentaires.

Des serveurs en sursis

Depuis le 20 janvier, les entreprises Carpathia Hosting, Cogent Communication et Leaseweb sont sous le feu des projecteurs. Ces hébergeurs du contenu de MegaUpload reçoivent les demandes des anciens utilisateurs. Chez Carpathia, la requête reçoit mécaniquement la même réponse :

Carpathia Hosting n’a pas et n’a jamais eu accès aux contenus sur les serveurs de MegaUpload et ne peut restituer aucun contenu se trouvant sur serveurs aux clients de MegaUpload (…) Nous recommandons à quiconque croit posséder du contenu sur MegaUpload de contacter MegaUpload.

Malgré son impuissance revendiquée, la société envisage des solutions. Elle s’est récemment associée à l’Electronic frontier fondation (EFF), une organisation non gouvernementale de défense des libertés sur Internet.

Carpathia a même lancé un site web, www.megaretrieval.com, afin de réunir les témoignages des “victimes”. Son objet : “passer en revue toutes les situations partagées entre utilisateurs et, si possible, essayer de résoudre leurs problèmes”. L’EFF, elle, nous indique qu’elle souhaite “rassembler pour l’instant des informations sur les clients innocents de MegaUpload ayant perdu leurs contenus.” Aucune piste n’est privilégiée pour organiser leur récupération : “Il s’agit de mesurer l’ampleur du problème”. Brian Winter, directeur général de Carpathia Hosting, profite de cette tribune pour rassurer les utilisateurs :

Il n’y aura aucune perte de données imminente pour les clients de MegaUpload. Si la situation change, nous publierons un avis au moins sept jours à l’avance, sur notre site www.carpathia.com

Selon le rapport de mise en accusation de la justice américaine mis en ligne dans les premières heures de l’affaire, Carpathia louait plus de 25 peta-octets (soit 25 millions de giga-octets) de capacité de stockage à MegaUpload, répartie sur plus de mille serveurs. En sachant que MegaUpload aurait déboursé plus de 65 millions de dollars à ses hébergeurs depuis 2005, la perte d’un tel client est sans nul doute préjudiciable. MegaUpload, n’étant plus en mesure de les payer, elles ne pourront pas bloquer indéfiniment ces serveurs. Elles devront libérer la place à d’autres entreprises.

Les utilisateurs à l’assaut du FBI

Certains utilisateurs sont plus véhéments. En Espagne, plusieurs centaines d’anciens consommateurs de MegaUpload veulent déposer une plainte collective contre le FBI et la justice américaine. Carlos Sanchez Almeida, avocat basé à Barcelone, explique la démarche :

En accord avec la législation espagnole, les associations de consommateurs ont la légitimité de représenter les intérêts des préjudiciables, dans un cas comme la fermeture de MegaUpload. C’est la procédure la plus appropriée pour satisfaire, en un seul procès, des centaines de milliers de demandes individuelles.

La stratégie est déjà établie. “C’est une affaire de tiers, indique le magistrat. Pendant la procédure, la justice américaine a saisi des biens qui n’appartiennent pas à l’accusé mais à des tiers innocents.” Si les utilisateurs ne peuvent pas récupérer leurs fichiers archivés, il s’agit “d’une violation de la confidentialité”, protégé par le Code pénal espagnol. Les associations d’utilisateurs devraient réclamer une injonction de la part de la justice espagnole, laquelle pourra solliciter une collaboration internationale afin de“récupérer les fichiers archivés”.

MegaUpload à la chaise électrique

MegaUpload à la chaise électrique

Le FBI a ordonné la fermeture de MegaUpload, un réseau de sites longtemps présenté comme l'un des principaux vecteurs du ...

L’Espagne est l’un des centres névralgiques des contestations. Le 25 janvier dernier, le Parti pirate catalan a créé une plateforme où chacun peut “exprimer son intérêt” sur la récupération des fichiers. Cette initiative veut poser les bases de la plainte collective espagnole. Elle est soutenue par plusieurs autres partis pirates. Notamment en France.

L’année dernière, en Espagne, c’est un site de streaming video Roja directa, qui a été victime des autorités américaines. Les douanes ont saisi les noms de domaines afin d’empêcher les internautes d’accéder au site. Aujourd’hui, les tribunaux des deux pays examinent encore sur la légitimité de l’action répressive.

Stopper

De son côté, même s’il dit être en négociation, MegaUpload ne semble pas en mesure de restituer les fichiers. Kim Dotcom comparaissait jeudi [EN] devant le tribunal Néo-Zélandais, où il a expliqué avoir été “frappé au visage et projeté à terre” lors de son interpellation. Fauchée et inculpée par la justice américaine, la plateforme s’implique plus dans la défense de ses intérêts. D’ailleurs, comme le rappelle un juge américaine cité par ecrans.fr :

MegaUpload informait expressément ses utilisateurs qu’ils n’ont aucune propriété sur les fichiers qui se trouvent sur ses serveurs. Ils assument donc le risque de les perdre ou de ne pas pouvoir y accéder, et acceptent que MegaUpload puisse stopper ses activités sans les en informer.

Ou de la nécessité de lire les conditions générales d’utilisation.


Photos par Purplemattfish/Flickr (CC-byncnd) et Richard Clupés/Flickr (CC-byncsa)

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Spotify vendu à Facebook http://owni.fr/2011/11/04/spotify-facebook-sean-parker-zuckerberg/ http://owni.fr/2011/11/04/spotify-facebook-sean-parker-zuckerberg/#comments Fri, 04 Nov 2011 10:41:11 +0000 Guillaume Dasquié et Benoit Le Corre http://owni.fr/?p=85529
Le 22 septembre, Facebook annonçait la mise en place d’un partenariat très étroit avec Spotify, la plateforme d’écoute musicale en streaming. Des fiançailles qui s’expliquent par des opérations financières croisées, pas franchement assumées par les deux sites. Lesquels avancent un peu masqués dans cette affaire.

Vu de l’extérieur, ce rapprochement instaure une forte contrainte pour les milliers d’utilisateurs de Spotify. Impossible désormais de se connecter à sa musique en ligne sans passer par son compte Facebook. Mais à entendre les acteurs de cette opération industrielle, il s’agirait simplement de simplifier la vie de l’utilisateur moyen.

Interrogé par OWNI, Julien Codorniou, responsable des partenariats de Facebook en France et au Bénélux, répète cette communication bien huilée. Selon lui :

Ce n’est pas un partenariat économique.

Nous avons pourtant retrouvé la trace de nombreuses transactions passées entre Spotify et l’un des principaux promoteurs de Facebook, Sean Parker. Soutien historique du fondateur Mark Zuckerberg, Sean Parker a été président de Facebook de 2004 à 2005. Et Parker détient encore 4 % des parts de Facebook tout en travaillant depuis juin 2011 au poste de directeur de Spotify – comme le signale sa page Facebook.

Une caisse enregistreuse au Luxembourg

Cependant, sa relation financière avec le fondateur de Spotify, le suédois Daniel Ek, se révèle bien plus ancienne. L’histoire débute véritablement le 23 novembre 2007, lorsque Daniel Ek, âgé de 24 ans, fonde à Londres Spotify Limited – devenu aujourd’hui le quartier général de l’entreprise, depuis des bureaux situés au 13 Kensington Square (comme le confirme une recherche sur l’adresse IP de ses serveurs).

Quelques mois plus tôt, ce futur siège social s’est vu doter d’un centre névralgique financier, baptisé Spotify Technology S.A, et installé dans un paradis fiscal européen, au Luxembourg. Cette caisse enregistreuse est de nos jours directement gérée depuis le siège de Londres, comme le montrent les registres britanniques.

Sean Parker, ancien fondateur de Napster aujourd'hui directeur de Spotify

Les bases de données du Grand-duché racontent l’histoire, plutôt exotique, de l’apparition de cette structure. Car Spotify Technology est créée le 27 décembre 2006 sous la houlette d’un financier local, Olivier Kuchly, pour des bénéficiaires qui s’abritent derrière des sociétés fiduciaires implantées à Chypre.

Trois ans plus tard, le 30 décembre 2009, Sean Parker entre officiellement au conseil d’administration de Spotify Technology, lors d’un apport de 11,5 millions d’euros. Quelques semaines après, le 26 février 2010, un fonds américain dirigé par Parker, Founders Fund, également présent dans Facebook, réalise un investissement dans Spotify.

Tout est en place pour préparer une intégration de Spotify dans Facebook ; et ainsi valoriser financièrement les goûts musicaux des centaines de millions d’amis. Le résultat commercial a été rendu public lors de la grand-messe annuelle de Facebook, le 22 septembre. Pour la plus grande joie de Sean Parker, qui depuis les tumultueuses années Napster, rêvait de conquérir le marché des préférences musicales, comme pourrait en témoigner cette correspondance adressée à Daniel Ek en 2009.

Contacté dans le cadre de cette enquête, les responsables de Spotify ont décliné notre proposition d’interview, demandant néanmoins que nous transmettions l’ensemble de nos questions à leur direction de la communication.


Illustration de une : Marion Boucharlat pour OWNI /-)

Photos via FlickR – jdlasica http://www.flickr.com/photos/jdlasica/6256555261/sizes/z/in/photostream/

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Le trac électoral de l’Hadopi http://owni.fr/2011/10/02/trac-electoral-hadopi-2012-rapport-activite-autorites/ http://owni.fr/2011/10/02/trac-electoral-hadopi-2012-rapport-activite-autorites/#comments Sun, 02 Oct 2011 13:15:36 +0000 Andréa Fradin et Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=81805 La Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) veut surtout survivre à l’élection présidentielle. Et s’évertue dans son rapport d’activité, avec une lourdeur à peine retenue, à promouvoir des engagements de campagne. À la lire, exit l’aspect répressif, l’Hadopi voudrait endosser le rôle de gardienne officielle du net.

Naturellement, dans ce document, l’institution insiste sur des chiffres et des taux, comme ces 500 000 recommandations envoyées à des abonnés peu scrupuleux, ou ces “4 ‘chats’ effectués avec les internautes”. Mais l’essentiel, comme souvent, est en filigrane.

“Rendez-vous en juin 2012″

Un peu à l’image de la “réponse”, graduée, le titre de l’édito de Marie-Françoise Marais (MFM), la présidente de l’Hadopi, est “subtil”. En donnant “rendez-vous en juin 2012″, MFM promet de se retrouver un mois après mai 2012. Soit un mois après l’élection du nouveau président. Car forcément, l’Hadopi sera encore là.

MFM l’explique bien : 2010 et 2011 n’ont été que les “premiers jalons de l’encouragement au développement de l’offre légale”. Les “douze mois à venir permettront de consolider et d’élargir les résultats d’ores et déjà obtenus.” Et d’enfoncer le clou :

Au simplisme des solutions toutes faites, nous opposons la rigueur d’un travail de fond réalisé dans la durée.

Là encore, subtil tacle aux partis décidés à se débarrasser de la Haute Autorité. Ambition affichée du côté du PS, les intentions sont moins claires du côté de la majorité, qui rechigne à parler de l’avenir de l’Hadopi. Introuvable dans les pages du programme numérique de l’UMP, la thématique s’est vue reléguée à la Convention Culture du parti. Dont la proposition de taxer les fournisseurs d’accès à Internet, proposée fin septembre, s’est finalement vue démontée par Laure de La Raudière, secrétaire du parti en charge du numérique. La boucle est sans fin et les têtes de l’Hadopi le savent : embourbés dans le bouzin depuis deux ans, ils font logiquement valoir qu’ils sont les plus à même de trouver une solution viable à la valorisation de la création diffusée sur le net. Ce qui n’est pas sans quelques ajustements.

Adieu Père Fouettard, bonjour liberté !

Nouveaux maîtres mots de l’autorité, le “long-terme” et la “durée” ont un autre avantage : ils portent l’attention vers l’avant et font oublier le passé. Effet commode qui atténue (jusqu’à sa disparition ?) le caractère répressif de l’Hadopi, qui oeuvre clairement à se distancer de la machine à gaz riposte graduée et de son bras armé, la Commission pour la Protection des Droits (CPD).

De l’avis de son secrétaire général Éric Walter, “la réponse graduée ne saurait, à elle seule, remplir la mission de protection des droits sur Internet”. Et ne constituerait qu’un “rappel à la loi massif”. Bien entendu, le service après-vente se poursuit : cette riposte devenue réponse est “bien installée”, “bien acceptée” et fonctionnelle. Mais reste inadaptée, tant aux pratiques des internautes, telles le streaming ou le direct download, qu’aux “attentes de certains créateurs”. Mieux vaut donc passer rapidement dessus pour valoriser le “travail approfondi et d’analyses” de l’Hadopi, notamment au sein des Labs.

Les autorités en fusion

Qui dit transformation, dit nouveau champ de compétences. Et en valorisant le travail des Labs, l’Hadopi place d’emblée ses pions pour l’après-2012: “l’émergence des TV connectées”, ou bien encore les “questions de filtrage ou de blocage qui “soulèvent tant de questions en terme de libertés publiques”. Des thématiques auxquelles l’institution était jusqu’à présent peu familière, insistant davantage sur l’envoi des mails aux contrevenants ou la mise en place d’une offre légale. Des thématiques qui viennent alimenter le rôle que souhaite tenir l’Hadopi : celui de gardienne du net français.

Sur ce point, son secrétaire général se montre très clair :

Autorité publique indépendante, unique institution française exclusivement dédiée à l’Internet, l’Hadopi aborde son deuxième exercice avec sérénité, conviction et le souci d’enrichir continûment sa compétence.

En se positionnant de la sorte, l’Hadopi donne corps à un véritable serpent du mer de la régulation du net : la fusion des autorités en charge de la question. Le rapprochement du CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel), de l’Arcep (Autorité de Régulation des communications électroniques et des postes), de la Cnil (Commission nationale informatique et libertés) et donc de l’Hadopi est abordé à mots à peine couverts par Eric Walter :

Aux approches “réseaux”, “contenus” ou “libertés” pré-existantes, elle apporte le complément indispensable d’une approche globale fondée sur la compréhension et la pratique de l’Internet et de ses utilisateurs.

On attend les réactions de l’Arcep, du CSA et de la Cnil, auxquels le secrétaire général de l’Hadopi fait respectivement allusion.
Du côté de l’UMP et du PS en revanche, on confirme déjà que la question d’une fusion est examinée de près.

Opé’ com’ réussie?

L’installation au forceps dans le paysage réglementaire français de la Haute Autorité ne fait plus débat. Sa légitimité et son institutionnalisation semble confirmées par l’éditorial du Monde du 30 septembre. Intitulé: “Hadopi: attendre avant de cliquer ‘poubelle’”, il reprend un certain nombre des éléments de langage de la Haute Autorité, avant de conclure:

Les technolâtres, as du clavier et rois du téléchargement clandestin, y voient une démarche ringarde qui ne tiendrait pas compte de la singularité absolue de l’Internet. On serait en présence d’une technologie dont la nature même devrait la dispenser de toute tentative de contrôle.
Comment s’y résoudre ? Patientons encore avant de juger le travail de régulation de l’Hadopi. En attendant, elle est un outil intéressant – certes un peu cher – de connaissance du Net.

Patience, donc. Et rendez-vous en juin 2012, puisqu’on vous le dit. D’ici là, nul doute que la “minorité active [qui] s’estime devoir être en opposition frontale avec l’institution [et] revendique le droit de ne pas respecter la loi” continuera à trouver des moyens de contourner la Hadopi, ne serait-ce que par l’utilisation du streaming.
C’est d’ailleurs l’un des enjeux dont se sont saisis les “Labs” de l’Hadopi, ces “ateliers collaboratifs” constitués d’experts et particulièrement mis en avant tout au long du rapport (69 occurrences).

Une promotion faite à un nouveau mode de régulation censé être plus en phase avec les usages du réseau, et qui permettrait là encore de préparer l’avenir de la Haute Autorité. Cette volonté de renier le péché originel qui a présidé à la création de l’Hadopi se retrouve également dans la conclusion de son bilan d’activité :

Sur la durée, seule une institution dédiée peut conduire un tel travail. Avoir permis qu’une telle institution existe est sans conteste le très grand mérite de la loi création et Internet qui, partant d’un constat, a à la fois posé les jalons des premières solutions mais surtout installé l’outil qui permettra de les faire évoluer en tenant compte des transformations à l’œuvre.

Et pour les 20 à 60 personnes concernées pour l’instant par la troisième étape de la riposte graduée, ce sera aux tribunaux de dire le droit.


Crédits photos CC FlickR par erinblatzer

]]> http://owni.fr/2011/10/02/trac-electoral-hadopi-2012-rapport-activite-autorites/feed/ 4 Musique et possession : ce que veulent les fans http://owni.fr/2011/04/22/musique-et-possession-ce-que-veulent-les-fans/ http://owni.fr/2011/04/22/musique-et-possession-ce-que-veulent-les-fans/#comments Fri, 22 Apr 2011 13:12:25 +0000 Music Think Tank http://owni.fr/?p=31636 Depuis mon adolescence, je suis obsédé par ma collection de musique. Je rangeais méticuleusement mes cassettes et CD étiquetés à la main, et j’aimais ça. Puis, quand le même travail s’est imposé avec les mp3, c’est devenu pour moi une énorme corvée. Mais je me suis toujours senti obligé de posséder quelque chose, du coup j’ai continué pendant plusieurs années, à perdre du temps à arranger ma collection de mp3 pour laquelle je n’avais pas payé. Et j’ai toujours soutenu avec passion que je voudrais toujours posséder ce que j’écoutais, jusqu’à ce que l’application Spotify mobile éteigne ce désir.

Aujourd’hui, je n’ai aucun besoin de posséder chaque morceau de musique, mais est-ce que ne rien posséder est suffisant ? Qui veut posséder de la musique ? Et d’ailleurs, qu’est-ce que “posséder” signifie vraiment ? Personne ne “possède” une série télévisée, alors pourquoi certains paient un abonnement au câble à 50 £ par mois ? Si personne ne possède rien, pour quoi les gens sont-ils prêts à payer ?

Que désire-t-on ?

Pour répondre à cette question, nous devons identifier les trois principaux canaux qui nous font désirer la musique.

De la musique facile à atteindre

Avant tout, nous cherchons à écouter de la musique en faisant le moins d’effort possible. Pour la plupart des gens, ce désir est assouvi simplement en allumant la radio ou en achetant un CD par an à la Fnac ou Carrefour. D’autres fans sont plus enclins à dépenser bien plus d’effort et d’argent, mais ce désir reste, indépendamment du niveau d’obsession de la personne.

Comprendre la musique

Nous ne voulons pas seulement de la musique, nous voulons donner du sens à cette musique dans un espace plus large, et la comprendre. Traditionnellement, c’est ce que nous faisons avec les pochettes d’album, les paroles, les crédits, ou un coffret plus cher avec des informations concernant les musiciens, leur passé, influences, références, visions, et leur place dans un genre musical. Après cela, nous délaissons l’environnement du produit pour nous plonger dans des livres, des magazines, et recherchons des réactions publiques dans les conversations. Aujourd’hui, leurs équivalents en ligne (blogs, médias sociaux) ne sont pas très distants de l’environnement du produit (internet) qu’ils n’avaient pu l’être auparavant.

La musique comme badge

Parmi nos autres désirs, il y a celui d’être connu pour ce que nous sommes, et pourquoi nous sommes ce que nous sommes. Depuis la naissance de la pop dans les années 50, la musique a donné aux gens l’opportunité de le faire en offrant des moyens de porter ses gouts musicaux comme des emblèmes. Une étagère de CDs ou de vinyls, un t-shirt de The Ramones, un oreiller Justin Bieber, ou une chambre parsemée de posters sont des moyens habituels dont les gens usent pour s’identifier. Même si ces coutumes ne seront jamais entièrement remplacées par leurs équivalents numériques, il existe aujourd’hui des moyens modernes de les compléter. Musiques d’attente et sonneries téléphoniques, fonds d’écrans, widgets lastfm, navigateurs web personnalisés, et même nos listes d’artistes préférés sur Facebook sont le résultat de notre désir de nous définir nous-mêmes.

Que veut-on posséder ?

Comment chacun de ces désirs influencent-ils le besoin des fans de posséder quelque chose?

Rendez la musique simple, et travaillez mieux.

La raison pour laquelle nous voulons posséder de la musique c’est que cela nous empêche de l’écouter avec facilité. Les fans occasionnels ne veulent pas forcément un CD, ils veulent juste avoir le droit d’écouter quand bon leur semble, et savoir que ça va marcher. Spotify Premium ne devrait pas être perçu comme une simple service de streaming puisque l’application hors connexion permet de télécharger et stocker de la musique sur son téléphone en quelques secondes. Vous pouvez ainsi écouter vos titres à l’endroit et au moment que vous voulez. Mais comment nous, fans, sommes-nous convaincus ? Engagez nous gratuitement, et faites que le buzz soit plus efficace qu’avec un CD.

Combinez les infos de Gracenote liées à notre humeur et des services de géolocalisation ainsi, quand vous branchez votre Spotify lors de votre session de gym, une playlist intuitive “rythme accéléré, Uptempo” qui correspond à notre rythme se mettra en route. Inversement, donnez-nous des titres du samedi soir et des sons plus posés pour le dimanche. Ne demandez pas ce que l’on ressent car on ne le sait probablement pas; devinez et soyez perspicaces. La technologie existe, ça n’est juste pas pertinent de la vendre aux fans pour l’instant puisqu’il n’existe pas de manière efficace de le faire. Faites de la musique, travaillez mieux et partout, et nous paierons un abonnement premium pour vous récompenser.

Nous ne voulons pas posséder de la musique mais nous voulons acquérir le droit de l’écouter, surtout si elle fonctionne.

Aidez-nous à comprendre la musique

Ceux qui cherchent à comprendre la musique utilisent le streaming comme moyen d’entrer dans une aventure par laquelle ils pourront interagir de diverses manières. Ceci n’est pas valable que pour les enthousiaste de la musique ou les snobs. Les jeunes filles veulent tout comprendre de Justin Bieber tout comme les fans de Dylan veulent comprendre toutes les références utilisées dans ses textes. Relever toute barrière susceptible d’entraver cette compréhension et non seulement les fans créeront un lien plus important avec la musique, mais ils apprécieront aussi la facilité d’y accéder.

Certains sites on commencé à se diriger en ce sens. MOG montre les billets et commentaires pendant que vous streamez un titre et cette plateforme a clairement le potentiel de devenir la Hype Machine la plus légale de la prochaine décénnie (à condition d’améliorer l’ergonomie du site). Avant que eMusic ne prenne l’eau, j’en ai été un utilisateur assidu pendant deux ans, grâce au contenu éditorial qui entourait ma navigation. Spotify a rapproché l’auditeur du téléchargement légal, en se liant à 7digital, enjoignant le fan à aller plus loin dans son expérience. Le fait de répliquer ce procédé avec des produits physiques semble être une évlution évidente (par exemple, j’achèterais 10 fois plus de vinyles, si je pouvais le faire depuis Spotify en quelques clics), mais il faut que TOUT soit plus proche de la musique.

Je serais prêt à payer un abonnement mensuel pour avoir les services suivants directement présents dans ma fenêtre Spotify, en un clic : Pitchify (avec une option de lecture hors ligne), Songmeanings, mes stats LastFM, Songkick, n’importe quelle app Echo Nest (Discovr, ex.fm Blogfinder, et autres), toute app capable de me dire quels musiciens j’écoute actuellement, et sur quelles autres oeuvres ils jouent, mFlow, des liens vers de sebooks sur Amazon, même un lien direct vers Google street view -et pourquoi pas, encore mieux, Historypin-, pour me permettre de me balader sur Penny Lane pendant que j’écoute la chanson, ou sur les traces de mes souvenirs d’enfance au gré de la musique qui y est liée. Les possibilités sont infinies.

Nous ne voulons pas posséder la musique, nous voulons posséder un accès simple à l’information qui est liée.

Vendez des badges, donnez la musique.

Les fans voudront toujours utiliser la musique pour s’identifier, donnez-leu donc toute lattitude pour y arriver. Faites appel au streaming pour vendre des CD, des vinyles, des t-shirts, des places de concert, des taies d’oreiller, des housses de couette, des trousses, des posters et tout autre objet imaginable, en seulement quelques clics. Le site de streaming prend un pourcentage sur les ventes, et le fournisseur expose son produit à des millions de nouveaux fans. Le moyen parfait de conbiner les modèles de streaming et de vente.

Plus important encore, il faut que tout cela fonctionne aussi dans l’autre sens. Placez la valeur sur le badge, et offrez la musique en bonus. La musique n’a plus à arriver via un CD. Avec l’apaprition du QR code, je ne vois pas pourquoi la musique ne pourrait être fournie avec un déjeuner à emporter, un sweat-shirt ou un poster.

Nous ne voulons pas posséder la musique, mais quelque chose qui nous permette de nous définir.

Comment y arriver ? C’est là une discussion complètement différente dont je propose une approche dans mo post intitulé “Comment créer le service musical parfait”.

Article initialement publié sur : Music Think Tank

Traduction : Stanislas Jourdan et Lara Beswick

Crédtis photos CC flick : Eelke de Blow; dougbelshaw; photosfing; Will Lion

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Deezer : en route vers la rentabilité? http://owni.fr/2011/04/20/deezer-en-route-vers-la-rentabilite/ http://owni.fr/2011/04/20/deezer-en-route-vers-la-rentabilite/#comments Wed, 20 Apr 2011 13:33:00 +0000 Pascal Rozat http://owni.fr/?p=58035 Article initialement publié sur OWNImusic.

Le 9 mars 2011, à l’occasion de la rencontre “Mobile 2.0” à Paris, le PDG de Deezer annonçait avoir atteint en seulement huit mois le seuil de 800 000 abonnés payants à son service d’écoute musicale, dépassant ainsi les pronostics les plus optimistes. À l’origine de ce bond en avant : un nouveau partenariat avec Orange, qui intègre depuis août 2010 les services payants de Deezer en option dans ses offres mobiles et ADSL. En se rapprochant d’un acteur majeur des télécommunications, le leader français de la musique en streaming aurait-il enfin trouvé le moyen de monétiser sa plateforme et de faire face aux lourdes sommes qu’il s’est engagé à verser aux ayants droit ? Si tel était le cas, cette alliance stratégique mettrait un terme à plusieurs années de tâtonnements, qui ont vu le site passer d’un modèle économique fondé sur la gratuité totale à une stratégie freemium qui a d’abord peiné à convaincre.

Un choix fondateur : la musique gratuite et légale

« Deezer.com libère enfin toutes les musiques », claironnait le communiqué de presse [pdf] du 22 août 2007 annonçant le lancement du nouveau site. Créé par deux jeunes entrepreneurs de moins de trente ans, Daniel Marhely et Jonathan Benassaya, Deezer fait partie de ces start-up qui ont d’abord tout misé sur un service gratuit particulièrement bien adapté à la demande des internautes, conquérant ainsi une large audience sans pour autant disposer d’un modèle économique clair pour la rentabiliser. Dès l’origine, la plateforme d’écoute musicale suscite pourtant l’intérêt de Xavier Niel, fondateur de Free, qui investit 250.000 euros en juin 2007 pour une part de 20% dans la jeune société. À l’occasion d’une augmentation de capital en janvier 2008, il est rejoint par le fonds Dot Corp des frères Rosenblum (fondateurs du site Pixmania), qui acquiert 24% des parts pour 4,8 millions d’euros, témoignant ainsi de la valorisation exponentielle de l’entreprise en l’espace de seulement six mois.

L’originalité de Deezer est de proposer une vaste offre musicale à la fois gratuite et légale, se posant ainsi comme une alternative novatrice au piratage. Ce choix ne s’imposa pourtant pas d’emblée : Blogmusik.net, ancêtre de Deezer lancé en juin 2006, opère d’abord sans aucune autorisation des ayants droit, ce qui lui vaut d’être fermé en avril 2007 suite à une mise en demeure adressée par les sociétés d’auteur et la SPPF. C’est alors que les deux associés décident d’entrer en négociation avec la SACEM. En seulement quelques mois, un accord est conclu, permettant au site de rouvrir sous le nom de Deezer en août 2007. Reste encore à régler la question des détenteurs de catalogues. Près de deux ans sont nécessaires à la plateforme pour convaincre les quatre majors, tout en concluant en parallèle des accords avec plusieurs labels indépendants tels que Believe ou Naïve.

Ces négociations permettent à Deezer d’élargir progressivement son catalogue, qui passe ainsi de 770.000 titres en octobre 2008 à 8 millions aujourd’hui. Avec un choix aussi vaste, Deezer peut revendiquer un accès quasi-universel à la musique, le tout en streaming gratuit. On notera toutefois la persistance de certaines lacunes, notamment dans le domaine des indépendants et de la musique classique. Plus ennuyeux : certains poids-lourds de l’industrie musicale comme les Beatles, Bob Dylan, Led Zeppelin ou Metallica manquent toujours à l’appel, de même que quelques pointures de la variété française, à l’instar de Francis Cabrel ou Jean-Jacques Goldman. Enfin, en raison des clauses de territorialité imposées par les maisons de disques, l’intégralité du catalogue de Deezer n’est pas nécessairement accessible dans tous les pays : il peut ainsi arriver que tel titre ne soit pas accessible en Belgique, tel autre uniquement au Royaume-Uni, etc.

Le mirage d’un financement par la publicité

Si ce nouveau modèle fondé sur la négociation permet à Deezer d’offrir un vaste choix de musique sans craindre de représailles judiciaires, il a aussi un coût, qui se traduit par les reversements dus aux ayants droit. Bien que les différents acteurs se montrent plutôt discrets sur la question, on sait que les majors exigent des avances conséquentes pour la seule mise à disposition de leur catalogue. Selon Le Figaro du 9 mars 2010, le montant total avoisinerait ainsi les 3 millions d’euros, le site devant ensuite payer une somme de l’ordre d’un centime pour chaque écoute d’un titre. Quant à la SACEM, l’accord signé en 2007 lui assure de capter 8% des recettes publicitaires de la plateforme. Au bout du compte, Jonathan Benassaya admettait en octobre 2009 reverser la moitié de son chiffre d’affaires (environ 6 millions d’euros annuels à l’époque) aux ayants droit. Un lourd tribut pour une entreprise aux revenus modestes, dont le modèle initial fondé sur la seule publicité n’a pas fait ses preuves.

Deezer s’affirme d’emblée comme un succès d’audience, avec 773.000 visiteurs uniques recensés en France pour son premier mois d’exploitation en août 2007, chiffre qui atteindra bientôt 2,75 millions en mai 2008, puis 7 millions en décembre 2009. Comme pour nombre de start-up, le défi est posé : comment rentabiliser ce trafic en hausse constante ?

Dès sa création, Deezer propose un système d’affiliation avec iTunes, permettant aux utilisateurs de télécharger sur la plateforme d’Apple un titre qu’ils ont écouté sur Deezer[+]. Mais les commissions versées à cette occasion par la firme à la pomme ne jouent qu’un rôle marginal. Pour monétiser son audience, Deezer compte d’abord quasi exclusivement sur la publicité, présente notamment sous forme de bandeaux. Avec un profil d’utilisateurs plutôt jeune et orienté CSP+, il est vrai que la start-up a des arguments pour convaincre les annonceurs. Mais comme dans le cas des sites de presse, cette source de revenus se révèle néanmoins très vite insuffisante, malgré d’assez bonnes performances : avec 875.000 euros de recettes sur le premier semestre 2008, l’entreprise est loin de pouvoir faire face aux reversement dus aux ayants droit, sans même parler de dégager des bénéfices.

La plateforme persiste pourtant et crée en juillet 2008 sa propre régie publicitaire, Deezer Media, avant d’adopter progressivement une stratégie plus agressive. À partir de février 2009, l’inscription devient obligatoire pour profiter pleinement du service d’écoute à la demande, ce qui permet au site de mieux rentabiliser son fichier clients en ciblant les campagnes publicitaires selon des critères de sexe, d’âge et de zone géographique (moyennant une majoration des tarifs pour l’annonceur, si l’on en croit l’article 6.1.2. des conditions générales de vente 2010 de la régie [pdf]). Un peu plus tard, au risque d’irriter les utilisateurs, la publicité sonore est introduite en novembre 2009, sous la forme de spots intercalés entre les chansons toutes les 15 minutes environ.

Mais ces innovations ne suffisent pas à rendre le site rentable et certains représentants des ayants droit commencent à s’alarmer de la faiblesse des reversements. En avril 2009, Laurent Petitgirard, alors président du Conseil d’administration de la SACEM, fait grand bruit en déclarant au Monde que le tube de l’année sur Deezer, un titre de rap écouté 240.000 fois, n’a donné lieu qu’à 147 euros de reversements aux artistes…

Le difficile tournant du freemium

C’est donc dans un contexte plutôt tendu que Deezer procède en octobre 2009 à une nouvelle levée de fonds : CM-CIC Capital privé (filiale du Crédit mutuel) et AGF Private Equity entrent au capital de l’entreprise, apportant au total 6,5 millions d’euros. Mais si ces investisseurs acceptent de se lancer dans l’aventure Deezer, c’est qu’un revirement stratégique est déjà amorcé.

Alors même que Jonathan Benassaya avait déclaré lors du lancement du site qu’il ne croyait pas au principe de la musique payante, Deezer abandonne finalement le dogme du tout-gratuit. En effet, le 9 novembre 2009, la société annonce [pdf] le lancement de ses premières offres payantes. Proposée à 4,99 euros par mois, la formule « Deezer HQ » permet d’utiliser la plateforme depuis son ordinateur sans publicité et avec une meilleure qualité d’écoute (jusqu’à 320kb/s, contre 128 kb/s pour le gratuit).

Mais la véritable innovation réside dans l’offre « Deezer Premium » qui, pour 9,99 euros par mois, propose en plus un accès en mobilité. Depuis octobre 2008 et le lancement de la première application pour iPhone et iPod Touch, Deezer est en effet déjà disponible sur la plupart des smartphones (BlackBerry, Sony Ericsson, téléphones fonctionnant sous Android…), mais avec des services limités : ces applications gratuites permettent ainsi d’utiliser les webradios et les smartradios[+] de Deezer, mais pas d’écouter les titres à la demande, ce qui constitue pourtant la marque de fabrique de la plateforme. Deezer Premium propose donc de « déverrouiller » ces applications (peut-être conçues dès le départ comme des teasers pour la future offre payante ?), en donnant pleinement accès aux services Deezer en mobilité. Autre avantage : l’abonnement permet également l’écoute des titres de son choix en mode « hors connexion », grâce à un système de téléchargement temporaire.

Comme souvent dans le monde de la musique en ligne, il s’avère pourtant bien difficile de convaincre l’utilisateur de sortir sa carte bleue. Alors que l’objectif affiché était de recruter 100.000 abonnés payants avant la fin 2009, seuls 14.000 s’étaient laissé séduire sur les trois premiers mois. Cet échec au démarrage déçoit les actionnaires et plonge Deezer dans une profonde crise de management. Le départ de Jonathan Benassaya, annoncé dans la presse, est finalement démenti, mais le cofondateur du site se trouve bientôt marginalisé suite à la nomination d’un nouveau directeur général en la personne d’Axel Dauchez. Réduit à la fonction de président non exécutif, Jonathan Benassaya quitte finalement Deezer en novembre 2010, en justifiant son départ par la volonté de se consacrer à de nouveaux projets, notamment son fonds d’investissement et incubateur Milestone Factory.

L’alliance avec Orange : une solution miracle ?

Venu du marketing et de l’audiovisuel, Axel Dauchez (qui, à 41 ans, fait figure de « sénior » au sein de la start-up) trace une feuille de route visant à renforcer le développement de Deezer sur le territoire français avant de s’attaquer dans un second temps au développement international. Cette stratégie se traduit bientôt par un rapprochement avec Orange, annoncé en juillet 2010 : à partir de la rentrée suivante, l’opérateur télécoms proposera des forfaits intégrant le service Deezer Premium en option, avec ou sans supplément à payer selon les formules.

L’intérêt des deux parties est évident. Pour Orange, cette alliance s’inscrit dans le cadre d’un revirement stratégique : après avoir investi tous azimuts dans des contenus exclusifs pour attirer de nouveaux abonnés, l’opérateur a annoncé en juin 2010 vouloir sortir de cette logique pour privilégier des « partenariats ouverts » avec les producteurs et éditeurs de contenus. Dans cette optique, il paraît naturel pour Orange d’abandonner sa propre plateforme d’écoute lancée en 2009, WorMee, au profit d’une alliance avec Deezer. Quant à ce dernier, il bénéficie désormais de la force de frappe commerciale d’Orange pour gagner enfin les abonnés qui lui font défaut. Scellant ce nouveau partenariat, Orange entre au capital de Deezer à hauteur de 11%, en échange des actifs de WorMee, valorisant Deezer à hauteur de 80 millions d’euros environ selon L’Express. Un rapprochement capitalistique qui ne manque pas de sel quand on songe que l’actionnaire historique de Deezer n’est autre que Xavier Niel, fondateur de Free, l’un des principaux concurrents d’Orange…

Très vite, les premiers résultats semblent indiquer que l’opération est gagnante. Grâce à Orange, le rythme des recrutements passe ainsi de 6 000 à 100 000 abonnés par mois. Alors que Deezer espérait en gagner un million avant la fin 2011, la barre des 500 000 était franchie dès le mois de janvier, et le million est à présent annoncé pour l’été. Prise isolément, l’offre payante de la plateforme ne semblait pas séduire les consommateurs, mais son inclusion dans un bundle (« pack » ou « offre groupée ») Orange a finalement permis de vaincre leurs réticences. Après une année 2010 encore déficitaire, Deezer est donc bien parti pour sortir du rouge, tout en augmentant sensiblement ses reversements aux ayants droit. Lors du Midem de janvier 2011, Axel Dauchez a ainsi pronostiqué que le site paierait environ 20 millions d’euros à l’industrie musicale en 2011. Une inconnue demeure : combien la plateforme touche-t-elle pour chaque abonné Orange ? Axel Dauchez se contente d’indiquer que c’est « un peu moins (…) que les 9,99 euros par mois que paient ceux qui s’abonnent directement à Deezer. »

Un début de diversification

En parallèle, Deezer s’est engagé discrètement dans une stratégie de diversification. Comme le soulignait Jonathan Benassaya dès mars 2008, Deezer n’est pas seulement un site, mais aussi « une plateforme avec beaucoup de contenus (…) que rien ne nous empêche de mettre à disposition sur d’autres canaux de diffusion ou via d’autres modèles économiques. »

Illustration de cette théorie : le lancement en avril 2010 de SoundDeezer, service B2B proposant la sonorisation de lieux publics et commerces. Fonctionnant à l’aide d’un boîtier spécifique fourni par Deezer, la « D-Box », le service permet de paramétrer la programmation à partir d’un ordinateur en alternant entre cinq ambiances musicales (« moods ») pouvant être diffusées à différents moments de la journée. Pour les entreprises d’une certaine taille, SoundDeezer propose des fonctionnalités plus avancées, telles que le déploiement sur un réseau entier de points de vente, ainsi que la réalisation de « moods » sur mesure fondés sur des techniques de marketing sonore. En s’appuyant sur les statistiques d’écoute dont dispose Deezer grâce aux utilisateurs de son site grand-public, il s’agit alors de cerner au plus près les goûts d’une cible donnée. Le service est proposé sans publicité, mais le client a néanmoins la possibilité d’intercaler les spots promotionnels de son choix au fil de la programmation. Il est également à noter qu’un abonnement au service ne dispense naturellement pas de payer des droits à la SACEM au titre de la diffusion publique d’œuvres protégées. Parmi les premiers clients de SoundDeezer : les restaurants McDonald’s, le Palais omnisport de Bercy et les magasins Micromania. Si les tarifs ne sont pas publiés, on peut toutefois déduire des déclarations d’Axel Dauchez que cette activité récente aurait déjà généré environ 2 à 3 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2010, ce qui est loin d’être négligeable pour un service tout juste lancé.

En décembre 2010, la plateforme a également ouvert un « Deezer shop » en ligne. Outre un casque audio estampillé « Deezer », on y trouve une multitude de produits dérivés (t-shirts, casquettes, mugs, stylos, tongs…) classés par artistes et aussi – plus étonnant pour une entreprise spécialisée dans la musique dématérialisée – une sélection restreinte de disques et de DVD revêtant généralement un caractère « collector » (rééditions « de luxe », coffrets intégraux, rééditions vinyles…). En se lançant ainsi dans le merchandising, Deezer semble prendre acte du mouvement de diversification des revenus qui touche l’ensemble de l’industrie musicale. La société pourrait-elle être tentée à l’avenir de se développer également dans le très lucratif secteur de la musique live, lui aussi en pleine expansion ? Si Deezer ne deviendra sans doute jamais un grand entrepreneur de spectacle, des synergies peuvent certainement être exploitées, notamment en termes de promotion d’événements.

Enfin, l’annonce le 3 mars 2011 de la prise en régie du site Slate.fr signe les nouvelles ambitions de Deezer media, qui élargit son champ d’action au-delà de Deezer pour se positionner comme un nouvel acteur dans le domaine des régies publicitaires en ligne.

Conclusion

L’année 2011 semble donc s’annoncer sous de bons auspices pour Deezer, qui devrait améliorer substantiellement ses résultats financiers et pérenniser son modèle économique grâce aux nouveaux abonnés gagnés via Orange. Le site semble avoir réussi son basculement vers le payant, au moment précis où le streaming gratuit commence à être remis en question par les maisons de disques, comme en témoignent les déclarations du PDG d’Universal Music France Pascal Nègre sur Radio Campus, suggérant de restreindre à quatre le nombre d’écoutes gratuites possibles pour un titre donné (proposition vivement contestée par Axel Dauchez dans une tribune parue dans Le Monde où il défend la gratuité comme porte d’entrée vers l’abonnement payant).

La stabilisation du business model de Deezer s’inscrit dans un contexte de forte structuration du secteur en France : outre la création d’un syndicat des Éditeurs de services de musique en ligne (ESML), qui regroupe Deezer, Orange, le GESTE (Groupement des éditeurs de services en ligne) et les plateformes de téléchargement Beezik et Starzik, le mois de janvier 2011 a été marqué par l’annonce des « 13 engagements pour la musique en ligne » conclus dans le sillage de la mission de médiation confiée à Emmanuel Hoog. Cet accord, dont le suivi a été confié à la Hadopi, promet notamment de rendre plus transparentes les relations entre producteurs et plateformes. Une évolution positive pour Deezer, qui pourrait toutefois avoir un effet pervers en facilitant l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché, notamment si les maisons de disques étaient amenées à baisser de manière significative le montant des avances exigées.

Sur le marché français, Deezer a assurément atteint une taille critique, avec environ 7 millions de visiteurs par mois, qui le rend incontournable. Le contexte dans lequel la société évolue n’en reste pas moins fortement concurrentiel. Outre la toute récente résurrection de Jiwa – un concurrent français lancé en mars 2008 et placé en liquidation judiciaire deux ans plus tard – et l’arrivée en France de Qriocity, la plateforme de streaming de Sony, Deezer doit notamment faire face aux appétits du Suédois Spotify, qui semble vouloir se rapprocher de SFR pour contrer l’offensive menée avec Orange. Mais à n’en pas douter, c’est avant tout au plan international que la bataille se joue désormais. Traduit en cinq langues, Deezer réalisait environ deux tiers de son audience à l’étranger au printemps 2010, mais ses abonnés demeurent dans leur grande majorité français. La bataille sera rude, car outre Spotify, qui revendique 1 million d’abonnés dans sept pays, la plateforme devra sans doute aussi composer avec les nouveaux projets des mastodontes Google et Apple, qui n’entendent pas rester les bras croisés devant le développement du streaming musical. Avec l’appui d’Orange, Deezer peut espérer gagner des parts de marché dans plusieurs pays européens où l’opérateur français est bien implanté (Royaume-Uni, Espagne, Pologne…). Le grand enjeu reste toutefois la conquête de l’Amérique du Nord, restée jusque là quasi impénétrable au streaming « à la carte »[+] en raison des réticences des grandes maisons de disques. À quand, par exemple, un partenariat de Deezer avec Verizon Wireless ou AT&T Mobility, leaders de la téléphonie mobile sur ce marché ?

Article initialement publié sur INA Global.

Crédits photo PaternitéPas d'utilisation commerciale Michel Racat

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http://owni.fr/2011/04/20/deezer-en-route-vers-la-rentabilite/feed/ 6
Deezer enfin rentable ? http://owni.fr/2011/04/12/deezer-enfin-rentable/ http://owni.fr/2011/04/12/deezer-enfin-rentable/#comments Tue, 12 Apr 2011 08:59:05 +0000 Pascal Rozat http://owni.fr/?p=31530 Deezer, premier service de streaming français, fait actuellement l’objet d’un débat dans la presse, suite à une tribune de son PDG Axel Dauchez dans le Monde à laquelle a répondu le président du SNEP David El Sayegh. Enfin le co-fondateur et ex-PDG de Deezer Jonathan Benassaya a lui aussi pris part au débat en répondant aux questions de Philippe Astor.

Pascal Rozat est chargé de mission à l’INA et écrit également pour des revues et sites web dédiés au jazz.

Le 9 mars 2011, à l’occasion de la rencontre “Mobile 2.0” à Paris, le PDG de Deezer annonçait avoir atteint en seulement huit mois le seuil de 800 000 abonnés payants à son service d’écoute musicale, dépassant ainsi les pronostics les plus optimistes. À l’origine de ce bond en avant : un nouveau partenariat avec Orange, qui intègre depuis août 2010 les services payants de Deezer en option dans ses offres mobiles et ADSL. En se rapprochant d’un acteur majeur des télécommunications, le leader français de la musique en streaming aurait-il enfin trouvé le moyen de monétiser sa plateforme et de faire face aux lourdes sommes qu’il s’est engagé à verser aux ayants droit ? Si tel était le cas, cette alliance stratégique mettrait un terme à plusieurs années de tâtonnements, qui ont vu le site passer d’un modèle économique fondé sur la gratuité totale à une stratégie freemium qui a d’abord peiné à convaincre.

UN CHOIX FONDATEUR : LA MUSIQUE GRATUITE ET LÉGALE

« Deezer.com libère enfin toutes les musiques » claironnait le communiqué de presse du 22 août 2007 annonçant le lancement du nouveau site. Créé par deux jeunes entrepreneurs de moins de trente ans, Daniel Marhely et Jonathan Benassaya, Deezer fait partie de ces start-up qui ont d’abord tout misé sur un service gratuit particulièrement bien adapté à la demande des internautes, conquérant ainsi une large audience sans pour autant disposer d’un modèle économique clair pour la rentabiliser. Dès l’origine, la plateforme d’écoute musicale suscite pourtant l’intérêt de Xavier Niel, fondateur de Free, qui investit 250 000 euros en juin 2007 pour une part de 20% dans la jeune société. À l’occasion d’une augmentation de capital en janvier 2008, il est rejoint par le fonds Dot Corp des frères Rosenblum (fondateurs du site Pixmania), qui acquièrt 24% des parts pour 4,8 millions d’euros, témoignant ainsi de la valorisation exponentielle de l’entreprise en l’espace de seulement six mois.

L’originalité de Deezer est de proposer une vaste offre musicale à la fois gratuite et légale, se posant ainsi comme une alternative novatrice au piratage. Ce choix ne s’imposa pourtant pas d’emblée : Blogmusik.net, ancêtre de Deezer lancé en juin 2006, opère d’abord sans aucune autorisation des ayants droit, ce qui lui vaut d’être fermé en avril 2007 suite à une mise en demeure adressée par les sociétés d’auteur et la SPPF. C’est alors que les deux associés décident d’entrer en négociation avec la SACEM. En seulement quelques mois, un accord est conclu, permettant au site de rouvrir sous le nom de Deezer en août 2007. Reste encore à régler la question des détenteurs de catalogues. Près de deux ans sont nécessaires à la plateforme pour convaincre les quatre majors (1), tout en concluant en parallèle des accords avec plusieurs labels indépendants tels que Believe ou Naïve.

Ces négociations permettent à Deezer d’élargir progressivement son catalogue, qui passe ainsi de 770 000 titres en octobre 2008 à 8 millions aujourd’hui. Avec un choix aussi vaste, Deezer peut revendiquer un accès quasi-universel à la musique, le tout en streaming gratuit. On notera toutefois la persistance de certaines lacunes, notamment dans le domaine des indépendants et de la musique classique. Plus ennuyeux : certains poids-lourds de l’industrie musicale comme les Beatles, Bob Dylan, Led Zeppelin ou Metallica manquent toujours à l’appel, de même que quelques pointures de la variété française, à l’instar de Francis Cabrel ou Jean-Jacques Goldman (2). Enfin, en raison des clauses de territorialité imposées par les maisons de disques, l’intégralité du catalogue de Deezer n’est pas nécessairement accessible dans tous les pays : il peut ainsi arriver que tel titre ne soit pas accessible en Belgique, tel autre uniquement au Royaume-Uni, etc.

LE MIRAGE D’UN FINANCEMENT PAR LA PUBLICITÉ

Si ce nouveau modèle fondé sur la négociation permet à Deezer d’offrir un vaste choix de musique sans craindre de représailles judiciaires, il a aussi un coût, qui se traduit par les reversements dus aux ayants droit. Bien que les différents acteurs se montrent plutôt discrets sur la question, on sait que les majors exigent des avances conséquentes pour la seule mise à disposition de leur catalogue. Selon Le Figaro du 9 mars 2010, le montant total avoisinerait ainsi les 3 millions d’euros, le site devant ensuite payer une somme de l’ordre d’un centime pour chaque écoute d’un titre. Quant à la SACEM, l’accord signé en 2007 lui assure de capter 8% des recettes publicitaires de la plateforme. Au bout du compte, Jonathan Benassaya admettait en octobre 2009 reverser la moitié de son chiffre d’affaires (environ 6 millions d’euros annuels à l’époque) aux ayants droit. Un lourd tribut pour une entreprise aux revenus modestes, dont le modèle initial fondé sur la seule publicité n’a pas fait ses preuves.

Deezer s’affirme d’emblée comme un succès d’audience, avec 773 000 visiteurs uniques recensés en France pour son premier mois d’exploitation en août 2007, chiffre qui atteindra bientôt 2,75 millions en mai 2008, puis 7 millions en décembre 2009. Comme pour nombre de start-up, le défi est posé : comment rentabiliser ce trafic en hausse constante ?

Dès sa création, Deezer propose un système d’affiliation avec iTunes, permettant aux utilisateurs de télécharger sur la plateforme d’Apple un titre qu’ils ont écouté sur Deezer[+]. Mais les commissions versées à cette occasion par la firme à la pomme ne jouent qu’un rôle marginal. Pour monétiser son audience, Deezer compte d’abord quasi exclusivement sur la publicité, présente notamment sous forme de bandeaux. Avec un profil d’utilisateurs plutôt jeune et orienté CSP+, il est vrai que la start-up a des arguments pour convaincre les annonceurs. Mais comme dans le cas des sites de presse, cette source de revenus se révèle néanmoins très vite insuffisante, malgré d’assez bonnes performances : avec 875 000 euros de recettes sur le premier semestre 2008, l’entreprise est loin de pouvoir faire face aux reversement dus aux ayants droit, sans même parler de dégager des bénéfices.

La plateforme persiste pourtant et crée en juillet 2008 sa propre régie publicitaire, Deezer Media, avant d’adopter progressivement une stratégie plus agressive. À partir de février 2009, l’inscription devient obligatoire pour profiter pleinement du service d’écoute à la demande, ce qui permet au site de mieux rentabiliser son fichier clients en ciblant les campagnes publicitaires selon des critères de sexe, d’âge et de zone géographique (moyennant une majoration des tarifs pour l’annonceur, si l’on en croit l’article 6.1.2. des conditions générales de vente 2010 de la régie). Un peu plus tard, au risque d’irriter les utilisateurs, la publicité sonore est introduite en novembre 2009, sous la forme de spots intercalés entre les chansons toutes les 15 minutes environ.

Mais ces innovations ne suffisent pas à rendre le site rentable et certains représentants des ayants droit commencent à s’alarmer de la faiblesse des reversements. En avril 2009, Laurent Petitgirard, alors président du Conseil d’administration de la SACEM, fait grand bruit en déclarant au Monde que le tube de l’année sur Deezer, un titre de rap écouté 240 000 fois, n’a donné lieu qu’à 147 euros de reversements aux artistes…

LE DIFFICILE TOURNANT DU FREEMIUM

C’est donc dans un contexte plutôt tendu que Deezer procède en octobre 2009 à une nouvelle levée de fonds : CM-CIC Capital privé (filiale du Crédit mutuel) et AGF Private Equity entrent au capital de l’entreprise, apportant au total 6,5 millions d’euros. Mais si ces investisseurs acceptent de se lancer dans l’aventure Deezer, c’est qu’un revirement stratégique est déjà amorcé.

Alors même que Jonathan Benassaya avait déclaré lors du lancement du site qu’il ne croyait pas au principe de la musique payante, Deezer abandonne finalement le dogme du tout-gratuit. En effet, le 9 novembre 2009, la société annonce le lancement de ses premières offres payantes. Proposée à 4,99 euros par mois, la formule « Deezer HQ » permet d’utiliser la plateforme depuis son ordinateur sans publicité et avec une meilleure qualité d’écoute (jusqu’à 320kb/s, contre 128 kb/s pour le

gratuit). Mais la véritable innovation réside dans l’offre « Deezer Premium » qui, pour 9,99 euros par mois, propose en plus un accès en mobilité. Depuis octobre 2008 et le lancement de la première application pour iPhone et iPod Touch, Deezer est en effet déjà disponible sur la plupart des smartphones (BlackBerry, Sony Ericsson, téléphones fonctionnant sous Android…), mais avec des services limités : ces applications gratuites permettent ainsi d’utiliser les webradios et les smartradios[+] de Deezer, mais pas d’écouter les titres à la demande, ce qui constitue pourtant la marque de fabrique de la plateforme. Deezer Premium propose donc de « déverrouiller » ces applications (peut-être conçues dès le départ comme des teasers pour la future offre payante ?), en donnant pleinement accès aux services Deezer en mobilité. Autre avantage : l’abonnement permet également l’écoute des titres de son choix en mode « hors connexion », grâce à un système de téléchargement temporaire.

Comme souvent dans le monde de la musique en ligne, il s’avère pourtant bien difficile de convaincre l’utilisateur de sortir sa carte bleue. Alors que l’objectif affiché était de recruter 100 000 abonnés payants avant la fin 2009, seuls 14 000 s’étaient laissé séduire sur les trois premiers mois. Cet échec au démarrage déçoit les actionnaires et plonge Deezer dans une profonde crise de management. Le départ de Jonathan Benassaya, annoncé dans la presse, est finalement démenti, mais le cofondateur du site se trouve bientôt marginalisé suite à la nomination d’un nouveau directeur général en la personne d’Axel Dauchez. Réduit à la fonction de président non exécutif, Jonathan Benassaya quitte finalement Deezer en novembre 2010, en justifiant son départ par la volonté de se consacrer à de nouveaux projets, notamment son fonds d’investissement et incubateur Milestone Factory.

L’ALLIANCE AVEC ORANGE : UNE SOLUTION MIRACLE ?

Venu du marketing et de l’audiovisuel, Axel Dauchez (qui, à 41 ans, fait figure de « sénior » au sein de la start-up) trace une feuille de route visant à renforcer le développement de Deezer sur le territoire français avant de s’attaquer dans un second temps au développement international. Cette stratégie se traduit bientôt par un rapprochement avec Orange, annoncé en juillet 2010 : à partir de la rentrée suivante, l’opérateur télécoms proposera des forfaits intégrant le service Deezer Premium en option, avec ou sans supplément à payer selon les formules.

L’intérêt des deux parties est évident. Pour Orange, cette alliance s’inscrit dans le cadre d’un revirement stratégique : après avoir investi tous azimuts dans des contenus exclusifs pour attirer de nouveaux abonnés, l’opérateur a annoncé en juin 2010 vouloir sortir de cette logique pour privilégier des « partenariats ouverts » avec les producteurs et éditeurs de contenus. Dans cette optique, il paraît naturel pour Orange d’abandonner sa propre plateforme d’écoute lancée en 2009, WorMee, au profit d’une alliance avec Deezer. Quant à ce dernier, il bénéficie désormais de la force de frappe commerciale d’Orange pour gagner enfin les abonnés qui lui font défaut. Scellant ce nouveau partenariat, Orange entre au capital de Deezer à hauteur de 11%, en échange des actifs de WorMee, valorisant Deezer à hauteur de 80 millions d’euros environ selon L’Express. Un rapprochement capitalistique qui ne manque pas de sel quand on songe que l’actionnaire historique de Deezer n’est autre que Xavier Niel, fondateur de Free, l’un des principaux concurrents d’Orange…

Très vite, les premiers résultats semblent indiquer que l’opération est gagnante. Grâce à Orange, le rythme des recrutements passe ainsi de 6 000 à 100 000 abonnés par mois. Alors que Deezer espérait en gagner un million avant la fin 2011, la barre des 500 000 était franchie dès le mois de janvier, et le million est à présent annoncé pour l’été. Prise isolément, l’offre payante de la plateforme ne semblait pas séduire les consommateurs, mais son inclusion dans un bundle (« pack » ou « offre groupée ») Orange a finalement permis de vaincre leurs réticences. Après une année 2010 encore déficitaire, Deezer est donc bien parti pour sortir du rouge, tout en augmentant sensiblement ses reversements aux ayants droit. Lors du Midem de janvier 2011, Axel Dauchez a ainsi pronostiqué que le site paierait environ 20 millions d’euros à l’industrie musicale en 2011. Une inconnue demeure : combien la plateforme touche-t-elle pour chaque abonné Orange ? Axel Dauchez se contente d’indiquer que c’est « un peu moins (…) que les 9,99 euros par mois que paient ceux qui s’abonnent directement à Deezer. »

UN DÉBUT DE DIVERSIFICATION

En parallèle, Deezer s’est engagé discrètement dans une stratégie de diversification. Comme le soulignait Jonathan Benassaya dès mars 2008, Deezer n’est pas seulement un site, mais aussi « une plateforme avec beaucoup de contenus (…) que rien ne nous empêche de mettre à disposition sur d’autres canaux de diffusion ou via d’autres modèles économiques. »

Illustration de cette théorie : le lancement en avril 2010 de SoundDeezer, service B2B proposant la sonorisation de lieux publics et commerces. Fonctionnant à l’aide d’un boîtier spécifique fourni par Deezer, la « D-Box », le service permet de paramétrer la programmation à partir d’un ordinateur en alternant entre cinq ambiances musicales (« moods ») pouvant être diffusées à différents moments de la journée. Pour les entreprises d’une certaine taille, SoundDeezer propose des fonctionnalités plus avancées, telles que le déploiement sur un réseau entier de points de vente, ainsi que la réalisation de « moods » sur mesure fondés sur des techniques de marketing sonore. En s’appuyant sur les statistiques d’écoute dont dispose Deezer grâce aux utilisateurs de son site grand-public, il s’agit alors de cerner au plus près les goûts d’une cible donnée. Le service est proposé sans publicité, mais le client a néanmoins la possibilité d’intercaler les spots promotionnels de son choix au fil de la programmation. Il est également à noter qu’un abonnement au service ne dispense naturellement pas de payer des droits à la SACEM au titre de la diffusion publique d’œuvres protégées. Parmi les premiers clients de SoundDeezer : les restaurants McDonald’s, le Palais omnisport de Bercy et les magasins Micromania. Si les tarifs ne sont pas publiés, on peut toutefois déduire des déclarations d’Axel Dauchez que cette activité récente aurait déjà généré environ 2 à 3 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2010, ce qui est loin d’être négligeable pour un service tout juste lancé.

En décembre 2010, la plateforme a également ouvert un « Deezer shop » en ligne. Outre un casque audio estampillé « Deezer », on y trouve une multitude de produits dérivés (t-shirts, casquettes, mugs, stylos, tongs…) classés par artistes et aussi – plus étonnant pour une entreprise spécialisée dans la musique dématérialisée – une sélection restreinte de disques et de DVD revêtant généralement un caractère « collector » (rééditions « de luxe », coffrets intégraux, rééditions vinyles…). En se lançant ainsi dans le merchandising, Deezer semble prendre acte du mouvement de diversification des revenus qui touche l’ensemble de l’industrie musicale. La société pourrait-elle être tentée à l’avenir de se développer également dans le très lucratif secteur de la musique live, lui aussi en pleine expansion ? Si Deezer ne deviendra sans doute jamais un grand entrepreneur de spectacle, des synergies peuvent certainement être exploitées, notamment en termes de promotion d’événements.

Enfin, l’annonce le 3 mars 2011 de la prise en régie du site Slate.fr signe les nouvelles ambitions de Deezer media, qui élargit son champ d’action au-delà de Deezer pour se positionner comme un nouvel acteur dans le domaine des régies publicitaires en ligne.

CONCLUSION

L’année 2011 semble donc s’annoncer sous de bons auspices pour Deezer, qui devrait améliorer substantiellement ses résultats financiers et pérenniser son modèle économique grâce aux nouveaux abonnés gagnés via Orange. Le site semble avoir réussi son basculement vers le payant, au moment précis où le streaming gratuit commence à être remis en question par les maisons de disques, comme en témoignent les déclarations du PDG d’Universal Music France Pascal Nègre sur Radio Campus, suggérant de restreindre à quatre le nombre d’écoutes gratuites possibles pour un titre donné (proposition vivement contestée par Axel Dauchez dans une tribune parue dans Le Monde où il défend la gratuité comme porte d’entrée vers l’abonnement payant).

La stabilisation du business model de Deezer s’inscrit dans un contexte de forte structuration du secteur en France : outre la création d’un syndicat des Éditeurs de services de musique en ligne (ESML), qui regroupe Deezer, Orange, le GESTE (Groupement des éditeurs de services en ligne) et les plateformes de téléchargement Beezik et Starzik, le mois de janvier 2011 a été marqué par l’annonce des « 13 engagements pour la musique en ligne » conclus dans le sillage de la mission de médiation confiée à Emmanuel Hoog. Cet accord, dont le suivi a été confié à la Hadopi, promet notamment de rendre plus transparentes les relations entre producteurs et plateformes. Une évolution positive pour Deezer, qui pourrait toutefois avoir un effet pervers en facilitant l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché, notamment si les maisons de disques étaient amenées à baisser de manière significative le montant des avances exigées.

Sur le marché français, Deezer a assurément atteint une taille critique, avec environ 7 millions de visiteurs par mois, qui le rend incontournable. Le contexte dans lequel la société évolue n’en reste pas moins fortement concurrentiel. Outre la toute récente résurrection de Jiwa – un concurrent français lancé en mars 2008 et placé en liquidation judiciaire deux ans plus tard – et l’arrivée en France de Qriocity, la plateforme de streaming de Sony, Deezer doit notamment faire face aux appétits du Suédois Spotify, qui semble vouloir se rapprocher de SFR pour contrer l’offensive menée avec Orange. Mais à n’en pas douter, c’est avant tout au plan international que la bataille se joue désormais. Traduit en cinq langues, Deezer réalisait environ deux tiers de son audience à l’étranger au printemps 2010, mais ses abonnés demeurent dans leur grande majorité français. La bataille sera rude, car outre Spotify, qui revendique 1 million d’abonnés dans sept pays, la plateforme devra sans doute aussi composer avec les nouveaux projets des mastodontes Google et Apple, qui n’entendent pas rester les bras croisés devant le développement du streaming musical. Avec l’appui d’Orange, Deezer peut espérer gagner des parts de marché dans plusieurs pays européens où l’opérateur français est bien implanté (Royaume-Uni, Espagne, Pologne…). Le grand enjeu reste toutefois la conquête de l’Amérique du Nord, restée jusque là quasi impénétrable au streaming « à la carte »[+] en raison des réticences des grandes maisons de disques. À quand, par exemple, un partenariat de Deezer avec Verizon Wireless ou AT&T Mobility, leaders de la téléphonie mobile sur ce marché ?

(1) Des accords sont conclus successivement avec Sony BMG (octobre 2007), Universal Music (mai 2008), Warner (septembre 2008) et EMI (avril 2009).

(2) Ces artistes, qui refusent de diffuser leur musique sur Internet autrement qu’en téléchargement payant, sont de ce fait généralement absents aussi des plateformes de streaming concurrentes, notamment Spotify.

Article initialement publié sur INA Global.

Crédits photos : CC FlickR

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http://owni.fr/2011/04/12/deezer-enfin-rentable/feed/ 2
Les technomades vivent et lisent léger http://owni.fr/2011/04/02/les-technomades-vivent-et-lisent-leger/ http://owni.fr/2011/04/02/les-technomades-vivent-et-lisent-leger/#comments Sat, 02 Apr 2011 11:46:00 +0000 Marie D. Martel http://owni.fr/?p=54759 Nous dirigeons-nous vers une technoculture du prêt, du partage, du streaming ?

Trop d’objets autour de nous, trop de bruit dans notre champ visuel, dans nos agrégateurs, dans nos résultats de recherche, trop de super-butinage (power-browsing), trop consommer, accumuler, remplir, excéder, évaluer, élaguer, se débarrasser, recycler-réduire-réutiliser, ouvrir la fenêtre, pas quinze fenêtres, respirer, relaxer, se vider l’esprit. C’est le printemps et une saison nouvelle qui s’annonce aux teintes discrètes (chromophobes ?) du néominimalisme.

After the bacchanal of post-modernism, the time has again come for neo-minimalism, neo-ascetism, neo-denial and sublime poverty.  (Juhani Pallasmaa, cité dans Wikipedia)

ou encore :

By definition, « neo-minimalists » don’t have an overabundance of things in their lives. But one thing they tend to have more and more of these days is visibility. Recently, The New York Times talked to some people participating in the 100 Thing Challenge about how it has affected their lives; The BBC looked into the « Cult of Less; » and here on Boing Boing, Mark has beengetting down to the nitty-gritty of what the « lifestyle hack » involves. The common thread here is a growing number of people are realizing that our mountains of physical stuff are actually cluttering up more than just our houses. »

Cet extrait provient d’un article publié sur Boing Boing (traduit dans Le Courrier International), dans lequel Sean Bonner explore la dématérialisation ou la décroissance matérielle comme une possibilité issue des technologies actuelles et qui nous permet de reconsidérer nos interactions avec le monde et les autres en favorisant l’expérience plutôt que la consommation. À Toronto, le même auteur a aussi animé une présentation [en] sur le courant des technomades.

L’usage de circonstance par le prêt, le partage, le streaming

D’autres journalistes, comme Ramon Munez d’El Païs ont, dans la même perspective, élaboré l’idée que la propriété est un fardeau et que l’avenir de la consommation de la culture n’est plus lié à la propriété mais à l’usage de circonstance par le prêt, le partage, le streaming :

Après avoir été pendant trois siècles la valeur suprême de la civilisation occidentale, la propriété cesse d’être à la mode. Ne vous y trompez pas : il ne s’agit pas d’un retour du communisme ou d’une vague de ferveur qui nous ramènerait au détachement matériel des premières communautés chrétiennes. Ce sont le capitalisme lui-même, son incitation permanente à consommer et les technologies liées à Internet qui viennent bousculer des habitudes que l’on croyait bien enracinées. À quoi bon posséder des biens, les stocker, les entretenir, les protéger des voleurs, lorsqu’on dispose d’une offre illimitée de produits et de services accessibles en quelques clics ou moyennant la signature d’un contrat de location ?

Si cette tendance ne se limite pas au numérique, c’est sur Internet que la révolution est le plus avancée. Le téléchargement de contenus cède du terrain au streaming [diffusion en continu], c’est-à-dire à la reproduction instantanée de musique et de vidéos sans qu’il soit besoin de les conserver sur le disque dur de l’ordinateur. Des milliers de sites, légaux et illégaux, proposent un catalogue illimité de logiciels, films, morceaux de musique et jeux vidéo. Le succès du site de musique suédois Spotify ou du portail espagnol de séries télévisées Seriesyonkis vient bousculer les habitudes des consommateurs.

YouTube, le célèbre portail de vidéos en ligne de Google, est le symbole de la révolution en marche. Ses chiffres laissent pantois. Sur toutes les vidéos regardées chaque mois aux États-Unis, 43% (14,63 milliards) sont diffusées par YouTube, selon la société d’études de marché comScore. YouTube est suivi de près par Hulu, un site de streaming qui propose gratuitement des films et des séries télévisées. Avec 1,2 milliard de vidéos regardées, Hulu dépasse non seulement des monstres d’Internet comme Yahoo! ou Microsoft, mais aussi les portails de chaînes et de studios comme Viacom, CBS ou Fox.

D’après une étude sur le paysage audiovisuel espagnol réalisée en 2010 pour le compte de l’opérateur Telefónica et de la chaîne de télévision privée Antena, 3, 30% des internautes espagnols déclarent télécharger moins de fichiers, tandis que la moitié d’entre eux assurent que le streaming est leur manière habituelle de consommer des contenus audiovisuels sur Internet. “On constate un essor du streaming depuis au moins le printemps 2009”, assure Felipe Romero, l’un des auteurs de l’étude. “À court terme, les deux méthodes – téléchargement et streaming – vont coexister, mais il est clair que la seconde va prendre de plus en plus d’ampleur.”

Sur le blog Agnostic, May Be, on mentionne également cet article qui témoigne de l’émergence de la culture du partage dans le Time [en] :

[T]he ownership society was rotting from the inside out. Its demise began with Napster. The digitalization of music and the ability to share it made owning CDs superfluous. Then Napsterization spread to nearly all other media, and by 2008 the financial architecture that had been built to support all that ownership — the subprime mortgages and the credit-default swaps — had collapsed on top of us. Ownership hadn’t made the U.S. vital; it had just about ruined the country.

L’étape suivante franchie par le blogueur Andy Woodworth [en] (incidemment élu dans le palmarès 2010 des Shakers and Movers [en])  m’intéresse tout particulièrement. Il fait l’hypothèse qu’en ce moment l’attrait pour les bibliothèques reposerait peut-être moins sur la récession économique que sur l’accroissement du nombre de gens qui préfèrent emprunter plutôt que posséder.

L’émergence de cette culture suggère des possibilités et des tendances sur lesquelles les bibliothèques pourraient largement capitaliser, dit-il. Comment ? Pas seulement en incarnant elles-mêmes les instances équipées pour prêter des documents à partir de leurs collections mais peut-être surtout en se positionnant  comme des facilitateurs, ou des médiateurs, capables de négocier et de supporter les citoyens en vue d’accéder aux ressources disponibles dans la déferlante du web.

Mais la question la plus évidente est la suivante : est-ce que les bibliothèques seront en mesure de profiter de l’apparition de cette société du prêt et du partage ? Elles apparaissent elles-mêmes souvent éreintées par les résistances, trop déboussolées pour servir de guide à qui ce soit, sans vision, sans plan pour penser la culture numérique au-delà de cet effort qui les amène à prononcer et à servir à toutes les sauces, le mot magique de la « bibliothèque numérique ».

Billet initialement publié sur Bibliomancienne

Image Flickr AttributionNoncommercialShare Alike Gubatron et AttributionNoncommercialShare Alike Michael D. Dunn

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http://owni.fr/2011/04/02/les-technomades-vivent-et-lisent-leger/feed/ 3
Le streaming pour moderniser les bibliothèques ? http://owni.fr/2011/03/17/le-streaming-pour-moderniser-les-bibliotheques/ http://owni.fr/2011/03/17/le-streaming-pour-moderniser-les-bibliotheques/#comments Thu, 17 Mar 2011 16:21:51 +0000 Silvae http://owni.fr/?p=31181 [Ce billet fait partie d'une série sur le livre numérique et les bibliothèques, retrouvez les épisodes précédents dans l'ordre sur le blog Bibliobsession sous le tag : Livre numérique et bibliothèques]. Il a été repéré par OWNI.fr.

J’avais émis il y a quelques jours le constat suivant : Les bibliothèques ne seront perçues comme des intermédiaires utiles que si elles combinent une valeur ajoutée en terme de médiation, de services, voire de contenus exclusifs par rapport à une offre commerciale grand public. Comment cela peut-il se traduire dans un modèle d’affaire ?

C’est le pari tenté par les médiathèques Alsaciennes. Voici la présentation du projet qui a bénéficié du soutien du Ministère de la Culture dans le cadre de son appel à projet culturel numérique innovant.

La dématérialisation progressive de la musique amène les bibliothèques de lecture publique à revoir leur manière d’assurer leur rôle de diffusion et de pédagogie autour de la musique. Plutôt que le téléchargement qui impose de nombreuses contraintes à l’usager, les bibliothèques alsaciennes souhaitent mettre en œuvre une offre légale d’écoute en ligne (streaming) afin d’offrir un accès facile et rapide à une offre musicale dématérialisée via un simple navigateur. Ainsi les adhérents des bibliothèques alsaciennes participant à UMMA bénéficient d’un accès privilégié à une version dédiée de musicMe dont les pages et les services sont entièrement réservés à UMMA.

Cette version spécifique de musicMe donne accès à l’écoute en streaming d’un catalogue de 6 millions de titres (4 majors et 780 labels), des discographies complètes, des photos et vidéos d’artistes ainsi que des radios thématiques et des radios intelligentes (musicMix).

Une plateforme de découverte musicale entièrement gérée par les bibliothécaires musicaux. Par ailleurs, les fonctionnalités de radios permettent aux bibliothèques de construire des parcours de découvertes musicales en lien avec leurs missions pédagogiques. Courant juin 2010, les bibliothécaires musicaux pourront en outre modifier toute la partie éditoriale du site : gestion des albums en page d’accueil, gestion des rubriques « nouveaux talents » et « albums à découvrir », programmation de vos canaux radios, intervention dans les rubriques de recommandations d’artistes similaires, dans la gestion des genres musicaux et modification dans les biographies d’artistes. Une API permet aussi de proposer, quand c’est possible, l’écoute d’un extrait lors de la visualisation d”une notice sur le catalogue en ligne de la bibliothèque.

Quels résultats pour cette expérimentation ? Selon Xavier Galaup, son initiateur :

“Avec presque 300 inscrits sur les deux sites, 36 radios créées et 1500 Euros de coût lié à la consommation, je peux déjà dire que l’expérience est réussie au-delà des objectifs fixés au départ à savoir réussir à attirer un public significatif, maîtriser les budgets et s’approprier la plate-forme pour la médiation numérique. La collaboration avec musicMe est très bonne même si en utilisateur exigeant nous aurions aimés quelques évolutions plus rapidement. D’un autre coté, musicMe a développé la possibilité de personnaliser les albums à la Une et dans tous les genres musicaux ainsi que de modifier le contenu de certaines parties du site. Ce qui n’était pas prévu dans le cahier des charges initial… Rappelons que nous avons à faire à une petite entreprise d’une douzaine de personnes gérant plusieurs marchés en même temps…

J’attends maintenant avec impatience l’ouverture des deux autres sites pour voir l’écho auprès du public et les réflexions apportées par d’autres expérimentateurs. Fort de ces premiers mois, musicMe prépare et ajuste pour 2011 son offre aux bibliothèques. Nous vous tiendrons au courant.”

L’exemple illustre que la médiation numérique peut en soi-même constituer une valeur ajoutée monétisable auprès d’un fournisseur de contenus. Plutôt que de vendre des contenus à l’acte, on propose aux usagers un accès illimité et on vend aux bibliothèques des services leur permettant de mettre en œuvre une médiation numérique efficace.

Même si ici le modèle est hybride puisque le fournisseur tarifie l’accès aux contenus et la consommation à l’acte en amont de l’écoute par l’utilisateur, on peut tout à fait imaginer creuser ce modèle vers la fourniture de services permettant une médiation efficace, de nature à conserver l’attractivité du modèle et la soutenabilité de l’offre pour les budgets des bibliothèques. Le modèle montre en outre qu’il est tout à fait possible de quantifier et de tarifer chaque écoute ou chaque accès en streaming depuis une plateforme en maintenant une illusion d’illimité pour l’usager sur le modèle du “buffet à volonté” où les usagers s’auto-régulent.

Ajouter du service autour de contenus libres

Autre exemple, celui de Revues.org très bien expliqué par Pierre Mounier :

nous avons élaboré un modèle économique et une proposition commerciale permettant de soutenir la diffusion en libre accès sur le web des résultats de la recherche en sciences humaines et sociales. Ce modèle, baptisée OpenEdition Freemium, déconnecte l’accès à l’information, qui reste libre, de la fourniture, payante cette fois,  de services supplémentaires. Conséquence  : les contenus (livres, revues, carnets, programmes scientifiques) restent diffusés en libre accès pour tous dans le format le plus universel et le plus accessible : celui du web. Mais nous vendons des services supplémentaires qui permettent par exemple de télécharger des fichiers pdf ou epub à partir de ces contenus (pour les lire plus confortablement ou les enregistrer plus facilement), d’accéder à des statistiques de consultation, de bénéficier d’alertes personnalisées sur ces contenus, ou encore d’ajouter facilement les titres au catalogue.

Qui sont les destinataires de ces services payants ? Les bibliothèques bien sûr, en priorité, qui retrouvent par ce moyen la possibilité d’acquérir (des services) pour des contenus en libre accès et peuvent donc réintégrer le circuit documentaire. Qui sont les bénéficiaires des revenus ainsi obtenus ? Les producteurs de contenus en libre accès, les revues et leur éditeur particulièrement, qui trouvent ainsi un soutien dont ils ont très souvent besoin pour pérenniser et développer leur activité.
Qu’essayons-nous de faire ? Nous tentons de reconstruire une alliance stratégique entre éditeurs et bibliothèques pour soutenir la publication en libre accès au coeur même du Web. Nous ne pensons pas du tout que ces acteurs historiques de la communication scientifique et de la diffusion des savoirs doivent être balayés par Google ou bien restés cantonnés derrière les murailles stérilisantes des plateformes à accès restreint. Nous voulons leur permettre au contraire d’être bien présents et d’apporter toute leur compétence accumulée au coeur du nouvel environnement qui se développe à grande vitesse.

On le voit le modèle mise sur l’idée que notre valeur ajoutée soit la diffusion et pas l’exclusivité des contenus, mais celle des services. Voilà une piste intéressante non ?

Article publié initialement sur Bibliobsession

Photo FlickR CC by-nd the pale side of insomnia

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http://owni.fr/2011/03/17/le-streaming-pour-moderniser-les-bibliotheques/feed/ 1
Bibliothèques: streaming et services en ligne pour se renouveler http://owni.fr/2011/03/13/bibliotheques-streaming-et-services-en-ligne-pour-se-renouveler/ http://owni.fr/2011/03/13/bibliotheques-streaming-et-services-en-ligne-pour-se-renouveler/#comments Sun, 13 Mar 2011 11:30:17 +0000 Bibliobsession http://owni.fr/?p=51068 [Ce billet fait partie d'une série sur le livre numérique et les bibliothèques, retrouvez les épisodes précédents dans l'ordre sur le blog Bibliobsession sous le tag : Livre numérique et bibliothèques]

J’avais émis il y a quelques jours le constat suivant : Les bibliothèques ne seront perçues comme des intermédiaires utiles que si elles combinent une valeur ajoutée en terme de médiation, de services, voire de contenus exclusifs par rapport à une offre commerciale grand public. Comment cela peut-il se traduire dans un modèle d’affaire ?

C’est le pari tenté par les médiathèques Alsaciennes. Voici la présentation du projet qui a bénéficié du soutien du Ministère de la Culture dans le cadre de son appel à projet culturel numérique innovant.

La dématérialisation progressive de la musique amène les bibliothèques de lecture publique à revoir leur manière d’assurer leur rôle de diffusion et de pédagogie autour de la musique. Plutôt que le téléchargement qui impose de nombreuses contraintes à l’usager, les bibliothèques alsaciennes souhaitent mettre en œuvre une offre légale d’écoute en ligne (streaming) afin d’offrir un accès facile et rapide à une offre musicale dématérialisée via un simple navigateur. Ainsi les adhérents des bibliothèques alsaciennes participant à UMMA bénéficient d’un accès privilégié à une version dédiée de musicMe dont les pages et les services sont entièrement réservés à UMMA.

Cette version spécifique de musicMe donne accès à l’écoute en streaming d’un catalogue de 6 millions de titres (4 majors et 780 labels), des discographies complètes, des photos et vidéos d’artistes ainsi que des radios thématiques et des radios intelligentes (musicMix).

Une plateforme de découverte musicale entièrement gérée par les bibliothécaires musicaux. Par ailleurs, les fonctionnalités de radios permettent aux bibliothèques de construire des parcours de découvertes musicales en lien avec leurs missions pédagogiques. Courant juin 2010, les bibliothécaires musicaux pourront en outre modifier toute la partie éditoriale du site : gestion des albums en page d’accueil, gestion des rubriques « nouveaux talents » et « albums à découvrir », programmation de vos canaux radios, intervention dans les rubriques de recommandations d’artistes similaires, dans la gestion des genres musicaux et modification dans les biographies d’artistes. Une API permet aussi de proposer, quand c’est possible, l’écoute d’un extrait lors de la visualisation d”une notice sur le catalogue en ligne de la bibliothèque.

Quels résultats pour cette expérimentation ? Selon Xavier Galaup, son initiateur :

“Avec presque 300 inscrits sur les deux sites, 36 radios créées et 1500 Euros de coût lié à la consommation, je peux déjà dire que l’expérience est réussie au-delà des objectifs fixés au départ à savoir réussir à attirer un public significatif, maîtriser les budgets et s’approprier la plate-forme pour la médiation numérique. La collaboration avec musicMe est très bonne même si en utilisateur exigeant nous aurions aimés quelques évolutions plus rapidement. D’un autre coté, musicMe a développé la possibilité de personnaliser les albums à la Une et dans tous les genres musicaux ainsi que de modifier le contenu de certaines parties du site. Ce qui n’était pas prévu dans le cahier des charges initial… Rappelons que nous avons à faire à une petite entreprise d’une douzaine de personnes gérant plusieurs marchés en même temps…

J’attends maintenant avec impatience l’ouverture des deux autres sites pour voir l’écho auprès du public et les réflexions apportées par d’autres expérimentateurs. Fort de ces premiers mois, musicMe prépare et ajuste pour 2011 son offre aux bibliothèques. Nous vous tiendrons au courant.”

L’exemple illustre que la médiation numérique peut en soi-même constituer une valeur ajoutée monétisable auprès d’un fournisseur de contenus. Plutôt que de vendre des contenus à l’acte, on propose aux usagers un accès illimité et on vend aux bibliothèques des services leur permettant de mettre en œuvre une médiation numérique efficace.

Même si ici le modèle est hybride puisque le fournisseur tarifie l’accès aux contenus et la consommation à l’acte en amont de l’écoute par l’utilisateur, on peut tout à fait imaginer creuser ce modèle vers la fourniture de services permettant une médiation efficace, de nature à conserver l’attractivité du modèle et la soutenabilité de l’offre pour les budgets des bibliothèques. Le modèle montre en outre qu’il est tout à fait possible de quantifier et de tarifer chaque écoute ou chaque accès en streaming depuis une plateforme en maintenant une illusion d’illimité pour l’usager sur le modèle du “buffet à volonté” où les usagers s’auto-régulent.

Ajouter du service autour de contenus libres

Autre exemple, celui de Revues.org très bien expliqué par Pierre Mounier :

nous avons élaboré un modèle économique et une proposition commerciale permettant de soutenir la diffusion en libre accès sur le web des résultats de la recherche en sciences humaines et sociales. Ce modèle, baptisée OpenEdition Freemium, déconnecte l’accès à l’information, qui reste libre, de la fourniture, payante cette fois,  de services supplémentaires. Conséquence  : les contenus (livres, revues, carnets, programmes scientifiques) restent diffusés en libre accès pour tous dans le format le plus universel et le plus accessible : celui du web. Mais nous vendons des services supplémentaires qui permettent par exemple de télécharger des fichiers pdf ou epub à partir de ces contenus (pour les lire plus confortablement ou les enregistrer plus facilement), d’accéder à des statistiques de consultation, de bénéficier d’alertes personnalisées sur ces contenus, ou encore d’ajouter facilement les titres au catalogue.

Qui sont les destinataires de ces services payants ? Les bibliothèques bien sûr, en priorité, qui retrouvent par ce moyen la possibilité d’acquérir (des services) pour des contenus en libre accès et peuvent donc réintégrer le circuit documentaire. Qui sont les bénéficiaires des revenus ainsi obtenus ? Les producteurs de contenus en libre accès, les revues et leur éditeur particulièrement, qui trouvent ainsi un soutien dont ils ont très souvent besoin pour pérenniser et développer leur activité.
Qu’essayons-nous de faire ? Nous tentons de reconstruire une alliance stratégique entre éditeurs et bibliothèques pour soutenir la publication en libre accès au coeur même du Web. Nous ne pensons pas du tout que ces acteurs historiques de la communication scientifique et de la diffusion des savoirs doivent être balayés par Google ou bien restés cantonnés derrière les murailles stérilisantes des plateformes à accès restreint. Nous voulons leur permettre au contraire d’être bien présents et d’apporter toute leur compétence accumulée au coeur du nouvel environnement qui se développe à grande vitesse.

On le voit le modèle mise sur l’idée que notre valeur ajoutée soit la diffusion et pas l’exclusivité des contenus, mais celle des services. Voilà une piste intéressante non ?

>> Article publié initialement sur Bibliobsession

>> Photo FlickR CC by-nd Telmo32

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http://owni.fr/2011/03/13/bibliotheques-streaming-et-services-en-ligne-pour-se-renouveler/feed/ 0
David Hyman (MOG) : “YouTube ne m’empêche pas de dormir” http://owni.fr/2011/02/28/david-hyman-mog-youtube-ne-mempeche-pas-de-dormir/ http://owni.fr/2011/02/28/david-hyman-mog-youtube-ne-mempeche-pas-de-dormir/#comments Mon, 28 Feb 2011 16:23:26 +0000 Kyle Bylin http://owni.fr/?p=30576 Kyle Bylin est à l’origine du site américain Hypebot.com, qui se fait l’écho des évolutions de l’industre de la musique. Vous pouvez le retrouver sur Twitter (@hypebot, @kbylin)

Cet article est une réponse à l’article : “Youtube : la musique gratuite rapporte autant que la musique payante

J’ai eu l’occasion d’échanger avec David Hyman, le fondateur et PDG de MOG, un service musical basé sur le “cloud”. Au cours de cet entretien, David et moi-même abordons l’impact de YouTube sur la musique et pourquoi les périodes d’essai gratuites sur les services de musique par abonnement doivent être allongées.

Ce qui suit est une version éditée de notre conversation.

Hypebot : Bonjour Dave, merci de m’accorder un peu de votre temps.

David Hyman : Bonjour !

Commençons doucement, nous passerons progressivement à d’autres sujets. Eliot Van Buskirk, du site Evolver.fm, a récemment publié un article à lire absolument. Il y disait des choses intéressantes sur YouTube. Globalement, ce service a beaucoup apporté à la musique, mais paradoxalement, il lui fait sans doute aussi du tort. Pensez-vous que YouTube, avec toute sa musique en accès libre et le fait que chacun puisse y partager ce qu’il veut, soit néfaste pour MOG ?

Je ne pense pas que nous perdions des abonnés au profit de YouTube. Cette expérience (YT) concerne plutôt les tubes. On ne peut pas y écouter une succession de chansons. Il n’y a pas de programmation passive. Pas de playlists. Pas d’albums. Le principe est plutôt : “un titre à la fois”. Avant 1985 on ne faisait pas de clips vidéo, et pourtant il y a eu beaucoup de BONNE MUSIQUE avant 1985 ! Après cette date, la video a été cantonnée à quelques chansons par album au mieux. Si vous voulez entendre les tubes, écoutez la radio ou allez sur YouTube. Je ne crois pas que nos abonnés soient ce type de consommateurs.

D’accord. L’autre point soulevé par Buskirk dans son papier concerne le fait que la plateforme pousse de nombreux développeurs à intégrer l’API de YouTube, au lieu d’essayer de monter des partenariats avec des services existants comme MOG. Le fait que l’API de YouTube soit disponible porte-t-il préjudice à MOG du point de vue de l’innovation et de l’intégration ?

Je n’ai aucun site séduisant utilisant l’API YouTube pour offrir une expérience d’écoute satisfaisante qui me vienne à l’esprit. Nommez-en un ! Vous voyez, YouTube ne nous rend pas service. Mais il ne nous fait pas vraiment de mal, voire pas du tout. Ca me fait juste un peu mal au coeur. Mais je n’en suis pas non plus à perdre le sommeil en m’inquiétant des projections de MOG par rapport à YouTube !

Et SoundHound alors ? Plutôt que de recommender des streams de 30 secondes depuis MOG, leur app envoit les gens vers Youtube.

C’est vrai. Mais Soundhound veut aussi inclure MOG ! Ce sera bientôt le cas. On peut payer à Soundhound des frais d’affiliation. Qu’est ce que Youtube paie à Soundhound ?

Bien vu. Passons ! Un des sujets qui m’interpellent le plus concerne les périodes d’essais gratuits. Pensez vous qu’elles soient trop courtes ?

Bonne question ! Je ne pense pas qu’on ait suffisamment de données pour le moment. Je dirais que Netflix se débrouille très bien pour ce qui est de proposer des prestations satisfaisantes dans le cadre d’une période d’essai de durée comparable.

Et pour les films, est-ce différent ?

Peut être ! Je crois qu’on va en arriver là. Pour fournir davantage que ce que l’on fournit déjà, cela coûterait davantage aux labels. Et quand bien même, ils restreindront toujours la quantité de contenu gratuit que l’on peut proposer. Les frais associés à la mise à disposition de contenu gratuit au delà de la période d’essai gratuit que nous proposons sont prohibitifs. Les labels exigent des taux plutôt élevés sur la base du “par titre/par stream”. La modélisation qu’on a faite nous apprend qu’on ne pourrait pas compenser les coûts par la conversion et la publicité. Est-il possible qu’on ait tort ? Oui. Les taux sont très élevés, croyez-moi. Si je pouvais donner davantage et faire fonctionner le modèle, je le ferais. Nous passons une bonne partie de notre temps chaque jour à plancher sur ce sujet.

C’est aussi comme ça que je vois les choses. Les coûts sont beaucoup trop élevés, quoi qu’on en dise.

Nous essayons de trouver des solutions pour donner gratuitement de manière restreinte et ce de mieux en mieux et avec succès ! Ma seule inquiétude, c’est qu’une fois qu’on passe de “gratuit” à “gratuit restreint”, cela devient un “essai gratuit” et donc on perd l’intérêt de la vraie gratuité. Avec les coûts auxquels on fait face, on ne peut pas fournir du vrai gratuit.

J’imagine que le “gratuit restreint” au final ce serait une fonction “radio” ou du streaming limité. Pour moi, le bon côté d’un tel arrangement est que cela donne aux amateurs de musique le temps de se construire leur bibliothèque musicale. Plus ils aiment de chansons (chacune étant stockée dans leur bibliothèque), plus il est facile pour eux de devenir “propriétaires” de ces titres et de voir la valeur qu’a le fait de payer pour y accéder.

Je suis d’accord.

De mon point de vue, le cas des films est bien différent de celui de la musique. Je dirais que les gens ne se considèrent pas propriétaires des films qu’ils regardent en streaming sur Netflix parce qu’ils ne sont pas sensés l’être. La musique, ce n’est pas comme le cinéma. C’est plus comme le canapé que vous louez. Une fois qu’il est chez vous, vous avez du mal à voir comment vous allez en faire “votre” canapé. Une fois la période d’essai passée, vous n’aurez plus envie de vous en séparer. En vrai, vous pensiez que vous l’aviez loué, mais en fait, vous l’avez dors et déjà acheté.

Bien vu. Je dirai ceci : ne prenez pas ce qui suit pour argent comptant, ce n’est qu’une question de données… On a testé deux options : barrière de péage contre accès gratuit. Demander aux gens de payer avant d’utiliser l’essai gratuit s’est révélé meilleur en termes de conversion, au même niveau que le revenu net. On a tendance à penser que les choses dépendent davantage de comment le visiteur est arrivé sur site. Dans certains cas, ce serait mieux sans paywall. Et cela dépend aussi de la plateforme utilisée : smartphone, web etc…

Je crois que vous avez raison. Là tout de suite je ne me souviens pas des études faites à ce sujet. Mais globalement, nous échouons à prendre en compte la variable “origine” dans la prise de décision. Alors, comment se séparer du fardeau de la “propriété” sans pour autant enlever les avantages cognitifs ?

Les gens doivent pouvoir accéder à la musique de partout : depuis leur voiture, leur télé, leur téléphone, et leur console de jeu. Partout. Je pense que les bénéfices de la propriété sont déjà morts. Le problème, c’est principalement un manque d’éducation.

Tout à fait. Autre chose : quand on dit (et par “on” je veux dire “je” !) qu’il faut que les utilisateurs assument la propriété de leur musique, ça ne veut pas dire grand chose. Une génération entière de fans n’a absolument aucune idée de ce que signifie “posséder de la musique”, sous quelque forme que ce soit. Cette génération n’a d’ailleurs jamais eu à faire d’effort non plus pour la trouver.

Oui, comme ma fille de 7 ans. Elle a MOG sur un iPod dans une station d’accueil Altec Lansing dans sa chambre. Elle est accro. Elle ne sait pas faire la différence entre le téléchargement et le streaming. Allez, je dois me sauver !

Pas de problème, merci d’avoir pris le temps de discuter !

Article initialement publié sur Hypebot.com et traduit par Loïc Dumoulin-Richet

Illustrations CC FlickR: william couch, orange_beard, samantha celera

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