OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La France débranche le cyberjihad http://owni.fr/2012/10/16/la-france-debranche-le-cyberjihad/ http://owni.fr/2012/10/16/la-france-debranche-le-cyberjihad/#comments Tue, 16 Oct 2012 13:07:08 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=122786 Owni, ces derniers jours l'administration française a pris des mesures contre le forum d'Ansar al Haqq, un site jihadiste francophone. Les avoirs et les comptes en banque de son responsable présumé viennent d'être gelés, par simple arrêté ministériel. ]]>

Je ne suis au courant de rien.

Philippe est surpris au téléphone. Il ne savait pas que ses avoirs financiers étaient gelés en raison de ses ”activités qui promeuvent le terrorisme” selon l’arrêté paru récemment au Journal Officiel. Philippe explique d’abord à Owni qu’il est “converti à l’Islam”. Plus tard dans la conversation, il évoque “un site d’information musulman sur le net”. Ce site, c’est Ansar al Haqq et son forum est connu pour relayer des communiqués d’organes de propagande d’Al-Qaida. Philippe est l’un de ses administrateurs.

Fauchés par l’antiterrorisme

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Le ministère de l'Économie peut décider le gel des avoirs financiers d'individus soupçonnés de financer des activités ...

La décision de geler les avoirs financiers, donc l’argent déposé en banque, est prise par Bercy. Plus précisément par la direction générale du Trésor, sur la base d’éléments qui “émanent du ministère de l’Intérieur”, nous avait répondu Bercy en août. Une mesure administrative donc, qui ne nécessite pas l’accord d’un juge.

Moudjahidin

Le ministère de l’Intérieur et les services spécialisés connaissent bien le forum d’Ansar Al Haqq : à partir de 2008, il fait l’objet d’une attention toute particulière du service spécialisé de la police nationale, la sous-direction anti-terroriste (Sdat). Dans deux notes de la Sdat datées de 2008 qu’Owni a consultées, les policiers écrivent :

Ansar Al Haqq affiche clairement son soutien aux moudjahidin, appelle la communauté musulmane à soutenir le combat contre les mécréants. (…) Le site salafiste djihadiste [est] susceptible de développer par le biais d’Internet des activités en lien avec l’endoctrinement et la propagande en faveur du djihad.

Le bug du cyberjihad

Le bug du cyberjihad

Nicolas Sarkozy est parti en croisade contre les sites Internet terroristes. Mais une instruction ouverte dès 2010 ciblait ...

Dans une autre note datée de 2010, la Sdat évoque un “réel soutien aux organisations terroristes prônant le jihad global (…), la volonté des administrateurs et des modérateurs du site de mettre à disposition de terroristes en activité un outil de communication.” Ansar Al Haqq est décrit par le service antiterroriste comme “une application littérale du jihad électronique”.

Six personnes, modérateurs et administrateurs, avaient été mises en examen au printemps 2010 pour leur participation au forum. L’affaire est toujours à l’instruction, mais plusieurs ont bénéficié d’un non-lieu.

Pirater

Aujourd’hui, le forum d’Ansar Al Haqq n’est plus en ligne. Philippe, l’administrateur, nous a expliqué “ne pas l’avoir fermé [mais] s’être fait pirater” :

On sait que si l’État ne veut pas s’embarrasser de paperasserie, il peut agir quand même.

26 ans de lois antiterroristes

26 ans de lois antiterroristes

Description en une infographie interactive de la mécanique antiterroriste française, mise en place en 1986 au lendemain ...

Nathalie Szerman, auteure d’un rapport sur le site pour le Memri, un centre de recherche américano-israélien, a longuement étudié le forum. Elle explique reconnaître certains utilisateurs qui, entre autres, “font moins de fautes d’orthographe”, preuve de l’étroite surveillance exercée par les autorités selon elle.

Sur le forum, Le Nouvel Observateur a retrouvé des traces de Jérémie Louis-Sidney, tué chez lui à Strasbourg lors d’une opération de police le 6 octobre. Il était un membre assez peu actif, 26 messages ont été recensés. L’intervention de Strasbourg appartient à un large mouvement d’arrestations. Douze personnes ont été interpellées un peu partout en France – à Cannes et en région parisienne. Sept ont depuis été mises en examen.

La séquence s’est poursuivie par la présentation en conseil des ministres d’un projet de loi antiterroriste, porté par le ministre de l’Intérieur Manuel Valls. Il n’a pas repris les dispositions prévues par le précédent gouvernement pour sanctionner la consultation de sites terroristes, préférant les sanctions administratives contre les responsables de forums.

Depuis ce mardi pourtant, le Parlement examine la possibilité légiférer sur le sujet. Des amendements de l’opposition, soutenus en particulier par l’ancien ministre de la Justice et sénateur UMP Michel Mercier, tentent d’introduire en droit français des dispositifs pour sanctionner des sites web au nom de la lutte antiterroriste.


Ilustration par Owni /-)

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Enquête en bas débit http://owni.fr/2012/03/21/tueur-toulouse-dcri-mohamed-merah/ http://owni.fr/2012/03/21/tueur-toulouse-dcri-mohamed-merah/#comments Wed, 21 Mar 2012 19:22:54 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=102968

Interrogé sur RTL sur le point de savoir si on aurait pu identifier le terroriste au scooter plus tôt, et donc empêcher la tuerie dans l’école juive de ce lundi – quatre victimes, dont trois enfants -, Gérard Longuet, ministre de la défense, a répondu “je ne pense pas, sauf à transformer la France en Etat policier“. Et d’ajouter :

“C’est la question de l’Etat de droit. Nous pouvons en effet considérer chaque Français comme suspect. Ce n’est pas notre culture. Un Français n’est pas, à première vue , “coupable”.

À une personne qui demandait si les croisements de données qui ont permis l’identification de Mohamed Merah n’auraient pas pu être effectués plus avant, rapporte Le Point, un haut fonctionnaire a déclaré : “Oui, mais nous serions dans un État totalement surveillé“.

Interrogé par LesInrocks.com, Didier Hassoux, co-auteur de “L’espion du président“, sur les dérives de la DCRI, s’interroge de son côté : “pourquoi a-t-il fallu attendre neuf jours ? Je ne vois pas pourquoi on ne lui a pas collé une balise au cul durant les deux ou trois jours ayant suivi le premier meurtre“.

La réponse est simple : il a fallu attendre deux jours pour localiser physiquement Mohamed Merah, mais aussi et surtout six jours pour identifier quels ordinateurs, et donc potentiellement quels internautes, avaient consulté la petite annonce postée par la première victime du terroriste. Reste à savoir pourquoi. Retour sur une enquête qui aura duré dix jours.

La petite annonce, priorité des enquêteurs

Lundi 12 mars. Un motard abattu d’une balle dans la tempe à Toulouse. C’est ainsi que La Dépêche évoque, à 3h49, un faits divers ayant eu lieu la veille, sans préciser que la victime est un militaire. Le 13, le journal se demande s’il s’agit d’un vol ou d’une affaire de coeur, mais précise cette fois qu’il s’agissait d’un officier parachutiste considéré comme “un excellent élément“.

Plus important : La Dépêche évoque le fait que la victime avait posté une petite annonce sur LeBonCoin.fr fin février afin de vendre sa moto, et qu’il aurait reçu, quelques minutes avant d’être abattu, “un coup de fil” à ce sujet :

Ce rendez-vous était-il un piège ? Le ou les faux acheteurs ont-ils paniqué ? Le bike-jacking a-t-il mal tourné ? L’hypothèse fait partie des « priorités » des enquêteurs.

L’article, publié le 13 à 7h46, laisse entendre que la police avait fait de cette petite annonce l’une de ses “priorités” dès le lundi 12, au lendemain du meurtre.

La DCRI l’identifie jeudi

Jeudi 15 mars. Suite au meurtre des deux autres militaires, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) dresse, dans la journée, rapporte Libé, la liste d’une dizaine d’individus suspectés de sympathie avec les groupes islamistes en Afghanistan et au Pakistan, dont Mohamed Merah.

Une information confirmée par Le Monde, qui précise que Mohamed Merah avait effectué “plusieurs séjours en Afghanistan et au Pakistan, dans des camps d’entraînement d’Al-Qaida“, et qu’il faisait partie des “profils que nous surveillons, a indiqué au Monde une source du renseignement intérieur. Nous l’avions dans le collimateur“.

Claude Guéant aurait ainsi précisé, rapporte Le Parisien, qu’il “était suivi depuis plusieurs années par la DCRI et ses agents toulousains, mais jamais aucun élément de nature à (faire) penser qu’il préparait une action criminelle n’était apparu“.

Ce même jeudi soir, les services de Police judiciaire font le lien entre l’arme utilisée à Toulouse et celle qui avait frappé à Montauban : “à cet instant, s’est déclenché un énorme effort de mobilisation“, a expliqué Gérard Longuet, avec près de 200 enquêteurs lancés sur la piste du tueur au scooter.

Six jours pour identifier des adresses IP

Contacté par OWNI, LeBonCoin.fr a déclaré ne pas être “autorisé” à nous dire quand les services de police judiciaire lui avaient demandé la liste des ordinateurs ayant consulté la petite annonce en question, ni quand le site les leur avait transmis.

D’ordinaire, nous confirme une source policière, ce genre d’opérations ne prend que quelques minutes. Un autre source, proche de ceux qui répondent à ce type de réquisitions judiciaires, indique de son côté qu’elles sont traitées “en 48h maximum“.

Or, selon nos informations, ce n’est que le vendredi 16 mars, soit cinq jours après le premier meurtre, et trois jours après que la piste, considérée comme l’une des “priorités” des enquêteurs, ait été évoquée dans la presse, que la liste des 576 adresses IP a été transmise aux fournisseurs d’accès à l’internet (FAI). Ces adresses IP identifient les ordinateurs sur les réseaux, permettant donc de remonter jusqu’aux utilisateurs.

Ensuite, les FAI semblent eux avoir œuvré prestement : François Molins, procureur de la République de Paris, a expliqué que les résultats des vérifications, et donc la liste des abonnés à qui avaient été attribuées ces adresses IP, ont été connues le samedi 17 mars.

Une multitude de pistes

Cette liste, qui va s’avérer décisive, n’était que l’une des pistes suivies par les enquêteurs, qui ont également vérifié, toujours selon François Molins, 7 millions de données téléphoniques, et procédé à plus de 200 auditions, entraînant la rédaction de plus de 1000 PV.

La Dépêche précise que parallèlement, près de 20 000 dossiers militaires sont examinés par la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) “puis, pour certains, croisés avec les connexions internet. Chou blanc.“.

Dans la liste des internautes ayant consulté la petite annonce, un nom attire l’attention des enquêteurs, écrit Rue89 : Mme Aziri, mère de deux garçons connus des services de police :

Abdelkader Merah, impliqué dans une filière de transferts de djihadistes en Irak.
Mohamed Merah, condamné à 15 reprises par le tribunal pour enfants de Toulouse et apparu selon un « profil d’autoradicalisation salafiste atypique ».

Lundi après-midi, les enquêteurs identifient, selon la journaliste Audrey Goutard (à 1h35 de la vidéo) le n° de téléphone portable de Mohamed dans la liste de ceux présents autour de l’école juive où a eu lieu la tuerie.

Le lundi soir, huit lignes téléphoniques de Mme Aziri et de sa famille sont mises sur écoute, a expliqué François Molins : “Problème, on n’avait pas d’élément permettant de les rattacher aux trois affaires.

Mardi, les enquêteurs recueillent le “témoignage décisif” d’un concessionnaire Yamaha, qui révèle avoir reçu la visite d’un des frères Merah lui demandant comment désactiver le traqueur GPS du modèle de scooter utilisé par le tueur.

Mohamed est localisé mardi en début d’après-midi, son frère Abdelkader en fin d’après-midi. La décision de les arrêter dans la nuit est prise à 23h30, ce mardi.

La vidéo de Gérard Longuet, interrogé sur RTL :


Gérard Longuet, ministre de la Défense : "20… par rtl-fr


Merci à Pierre Alonso, envoyé spécial d’OWNI à Toulouse.
Illustrations par Marion Boucharlat pour OWNI /-)

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